Après lavage de la vaisselle, du linge
et rinçage à l'eau douce du pont sur lequel on
peut ramasser le sel à la main, nous sortons en mer.
Encore beaucoup de vent ! L'anémomètre oscille
entre 25 et 30 nœuds. C'est surprenant, on n'a jamais autant
de vent et surtout pendant une période aussi longue en
Méditerranée, l'été.
En une envolée, nous filons à 5,8 nœuds sous
grand-voile seule. Pas besoin de génois, on avance déjà
très vite, et il coucherait le bateau. Le vent est vraiment
puissant, l'état de la mer ne correspond heureusement
pas à cette force d'Eole qui nous fait gîter beaucoup
plus qu'il n'est normal avec une seule voile.
De temps à autre cependant, comme nous recevons les vagues
par le travers, l'une d'elles vient s'éclater contre
la coque en nous éclaboussant copieusement.
Une fois sortis de la baie, nous flirtons avec les 6,5 nœuds,
avec une pointe à 7,3 nœuds. Le vent et les vagues,
qui viennent de l'arrière maintenant, nous poussent dans
de longs surfs vers le mouillage où nous ferons une pause
à midi pour déjeuner. La mer est blanche de moutons
écumants et les vagues atteignent un mètre à
présent, ce qui reste très raisonnable, mais les
rafales arrachent l'eau sur les crêtes et la projette
en myriades de gouttelettes. Les couleurs, bleu pâle et
éclats argentés, sont magnifiques.
Après le déjeuner, mêmes conditions climatiques,
même gîte, même vitesse étonnante sous
grand-voile seule. Un ciel pastel, une mer bleu roi bouillonnant
d'écume blanche, nous dépassons Porto Cervo, le
Saint Trop. de la Sardaigne. Bientôt nous virons dans
la baie où nous mouillerons cette nuit et là nous
nous trouvons face au vent qui redouble, de nouveau 40 nœuds,
c'est incroyable. Les vagues nous aspergent, nous transpercent.
De face, avec le vent qui court sur leur crête, elles
brisent sur le voilier, pas hautes mais courtes et violentes.
Nous n'avons plus un poil de sec !
De nouveau, affaler la grand-voile relève d'un exploit
sportif. Cramponnée des deux pieds, faisant corps avec
le mât, sous les douches de mer, j'entortille le tout
au mieux (vraiment très mal), un gros bout d'amarrage
là autour, en attendant mieux et je regagne le cockpit,
tout aussi trempée que si j'avais pris un bain. Voilà
enfin le mouillage de Portisco, avec son eau "Hollywood
chewing-gum", le bleu "Seychelles" quoi ! Le
vert tendre des rives complète le tableau. Le vent s'époumone
rageusement autour de nous, mais nous sommes à l'abri
du rivage. Un petit bain dans cette mer si fraîche à
l'œil pour me dessaler, oui, j'ai bien dit dessaler. L'eau
de mer contient forcément moins de sel que notre peau
douchée, séchée, douchée, séchée.
Et pour finir rinçage à l'eau douce et tiède
de la douchette !
La nuit tombe. Derrière la colline apparaît la
lune qui s'élève bientôt, énorme
et toute ronde. Tandis que Cap Sounion au bout de son ancre,
évite à toute vitesse et fait défiler sous
nos yeux les lumières de la côte, sur un arc de
cercle de 90 degrés, le vent continue de hurler à
plus de 40 noeuds. Quand cela cessera-t-il ? Marre de ce vent
!
Samedi 19
Soleil cuisant au réveil, presque plus d'air. Cap Sounion
se balance inlassablement. Fatiguant ce mouvement lancinant
! C'est un écho de celui de la mer sur laquelle s'ouvre
la baie au delà de la pointe rocheuse.
Autant quitter cet endroit ! Après 8 milles de mer calme,
petite brise fraîche, ça ne bouge pas du tout,
nous arrivons dans un mouillage qui en fait remue plus que la
pleine mer. Par ici, ce ne sont pas de vrais abris fermés,
mais de grandes baies bordées de plages et trop ouvertes
sur le large. Le moindre mouvement en mer s'y répercute
et le bateau n'arrête jamais de tourner et de danser sur
l'eau. Après avoir déjeuné rapidement,
nous rejoignons Olbia à 12 milles de là, sur une
mer qui commence à se creuser et qui est bien moins agréable
que ce matin.
Ce soir, dans ce port paisible, il n'y a plus de vent et le
bateau est parfaitement immobile. Quel repos!
Dimanche 20
10 h 30 ! Salut Olbia ! Un souffle nous pousse doucement, doucement…
Je sors mon matériel "grand confort", enfin
presque ! Coussins, serviette de bain, lecteur MP3 et je m'installe.
Le bruit des vagues, vaguelettes devrais-je dire, se marie avec
la musique, la mer est apaisée.
Mais vers 13 heures à l'approche de
l'île de Tavolara, le vent soudain, change de direction
et forcit jusqu'à 28 nœuds… Finis les coussins,
la musique… Je rentre tout et me cale entre les montants
de la porte pour éviter les giclées d'eau des
vagues maintenant contraires. Abandonnant l'idée d'un
mouillage pour midi, nous virons de bord en direction de Spurlatta
où nous comptions dormir ce soir et retrouvons immédiatement
une mer plus confortable.
Ce port grand comme un mouchoir de poche, embouchure d'une rivière
minuscule, est tout simplement une petite merveille. Entouré
de verdure et de fleurs, eaux turquoises, petits pontons de
bois, il est réservé aux petites embarcations
(pour nous, donc) ! Bateaux de 7 mètres et au delà,
s'abstenir… Le plus joli port que nous ayons rencontré,
à mon goût.
Nous attendons la fin d'après-midi pour sortir de l'ombre
du taud. Belle balade sous les arbres d'abord puis dans les
chaudes odeurs de garrigue, sur une jolie sente qui domine la
côte et offre des vues superbes. Nous rentrons vers 20
heures alors que le soleil est prêt à plonger dans
l'eau.
Lundi 21
Une chaleur torride ce matin, le thermomètre flirte avec
les 35 degrés dans la cabine pourtant ouverte à
tous vents, toit relevé, hublot avant ouvert, taud installé
pour faire de l'ombre. On fond littéralement.
Et, éclate l'orage juste au moment de partir… Tonnerre…
Grosse averse de grêlons… Il ne fait plus que 33
degrés à l'intérieur !!!
Nous partons quand le plus gros de l'orage est passé.
Enfin, c'est ce que nous pensions ! Mais très vite, il
reprend de plus belle, et nous nous trouvons bientôt sous
une pluie battante. Quand elle s'arrête enfin, le vent
monte jusqu'à 30 nœuds, en plein devant, levant
de courtes vagues abruptes dans lesquelles Cap Sounion tape
de plein fouet. Encore une fois, gifles de mer (après
la pluie ça change), douches salées et il faudra
tout rincer à l'arrivée.
Aussitôt changé de cap pour entrer dans la baie,
tout s'apaise et le soleil vient nous rire au nez !
A Porto Rotondo, nous avons la désagréable surprise
de payer 57 € pour la nuit. Pour un bateau de six mètres
soixante, c'est scandaleusement cher. Nous étions déjà
très étonnés des 34 € à Spurlatta,
c'était déjà beaucoup trop, le double de
la Corse à peu de chose près.
La nuit est tombée, la plainte du vent, encore 25 à
35 nœuds, se mêle aux sons de ma guitare. Je crois
que c'est la première fois depuis que nous naviguons
(1980) que nous avons du vent aussi fort, aussi souvent.
Vers 1 h 30 du matin, nous sortons pour démonter le taud
et détendre le linge, de crainte que tout ne s'envole,
tellement ça souffle fort ! Une fois tout rentré,
je baisse le toit et ne laisse qu'une demi-porte ouverte pour
avoir un peu d'air. D'ordinaire, nous dormons en laissant tout
grand ouvert, porte, capot avant et toit relevé.
Mardi 22
Ce port "bon chic, bon genre" est très surfait.
Beaucoup de fleurs, certes, quelques jolis ponts de bois, mais
surtout des maisons de villégiatures et de gros bateaux
à moteur. Comme d'habitude Cap Sounion est le plus petit
dans le port, mais là vraiment minuscule.
Je crois que le tarif du port m'empêche de lui trouver
le moindre charme ! En tout cas, du supermarché on est
ressorti les mains vides. Des prix plus du double de ceux pratiqués
ailleurs pour les légumes, fruits et le reste. Comme
nos coffres sont encore assez bien remplis, nos irons dépenser
nos sous ailleurs. Ici, ils en ont assez ! Le prochain port
prévu était Porto Cervo, mais il est encore plus
huppé que celui-ci, nous décidons de passer tout
droit, c'est pas notre monde, ça !
Trois heures de mer agitée, sur laquelle Cap Sounion
se comporte comme un bouchon de liège, parce qu'on n'a
pas mis les voiles à cause du vent contraire, mais le
problème c'est que sans voiles, le bateau n'est pas stabilisé
et il roule bord sur bord, ce qui est très désagréable.
Bref, nous arrivons à Poltu Quatu, où on nous
enjoint d'aller régler le prix de la nuit tout de suite
: 60 €… Cette fois, ça suffit ! Demain on
quitte la Sardaigne !
[Pour
plus d'infos sur les ports de Sardaigne, voir cet article.]
Mercredi 23
Le soleil tape très fort ce matin, il n'y a plus de vent
du tout. Vers 9 h 30, avant de partir pour les Lavezzi, nous
démontons notre abri "anti-soleil", une toile
que nous ajoutons au bout du taud en fonction de la position
de l'astre. Une fois dépassées les dernières
îles sardes, nous retrouvons un vent debout et une mer
agitée. Nous dépassons les Lavezzi et continuons
vers Porto-Vecchio, au moteur et sous grand-voile pour caler
le bateau. Le vent serait assez fort pour qu'on puisse couper
le moteur, mais il faudrait tirer des bords, et comme l'étape
d'aujourd'hui est déjà de 38 milles (7 ou 8 heures
de mer), on ne va pas encore l'allonger.
Au large de la pointe de Bonifacio nous apercevons des dauphins
qui chassent en compagnie des mouettes. Le vent forcit encore
en changeant de direction (presque 30 nœuds). Vers 16 heures
nous entrons dans la profonde échancrure de Porto-Vecchio,
en de longs surfs jusqu'à 6,6 nœuds poussés
par des vagues qu'on ressent toute puissantes.
Plaqués contre les parois du cockpit par la force de
la mer, nous devons lutter contre cette attraction ne serait-ce
que pour nous redresser. La mer moutonne, la mer est grise,
elle fait la démonstration de sa puissance. Tour à
tour, souriante ou hostile, on ne peut pas lui faire confiance.
Engageante et flatteuse pour donner envie de la chevaucher,
elle change d'aspect quand elle tient sa proie, assez loin de
la côte pour qu'elle ne puisse lui échapper, et
alors elle secoue, elle mouille, elle se régale.
En fin d'après-midi, nous montons à la ville haute
par le petit train, achetons quelques souvenirs pour Manon et
Paul, et rencontrons Yves Duteil qui dédicace ses livres
et CD assis devant l'église de Porto-Vecchio.
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