Samedi 5 juillet
Partis à 9 heures, après une matinée sous
la pluie battante, nous roulons jusqu'à une vingtaine
de kilomètres du tunnel du Mont Blanc, où nous
nous arrêtons pour la nuit à 22 h 30. Il fait doux
ce soir, et nous assistons à un feu d'artifice tiré
tout près de l'endroit où nous sommes stationnés.

Dimanche 6
A 9 h 15, nous sommes prêts pour la seconde moitié
de la route. Le Mont Blanc se cache sous de gros nuages noirs
qui se déversent sur nous au moment du départ.
De l'autre côté du tunnel, c'est pire encore.

Des trombes d'eau bouchent le paysage, nous
distinguons à peine les voitures autour de nous. La pluie
s'apaise finalement. Le temps reste plombé jusqu'après
le déjeuner mais quand nous quittons la montagne, le
soleil chauffe enfin.
Nous arrivons à San Vincenzo à 17 h 30, maintenant,
il fait vraiment chaud. Nous allons faire quelques provisions
au supermarché qui est ouvert le dimanche.
Ce soir, je sors ma guitare que je n'ai plus touchée
depuis 18 ans peut-être. Si je n'ai pas oublié
les accords les plus courants, je dois dire qu'ils sonnent mal…
Mes doigts ont perdu force et agilité…Ils ont besoin
d'entraînement.
Lundi 7
Palabres en italien pour obtenir la mise à l'eau du bateau
et le gardiennage de la voiture. Pas facile, ces premiers mots
! Je n'ai pas parlé italien depuis deux ans. En fait,
j'ai appris au fil de mes voyages, pas à l'école.
Je comprends assez bien ce qu'on me raconte; pour m'expliquer
c'est moins aisé, mais finalement ça revient assez
vite ! A 14 heures, Cap Sounion est dans l'eau, nous avons hissé
le mât tous les deux comme d'habitude, la voiture est
rangée dans un parking privé… Nous voilà
devenus "vagabonds des mers". Mais aujourd'hui, nous
restons à San Vincenzo pour tout nettoyer à bord.
La route, ça salit beaucoup. Dans la douceur de la nuit,
j'essaie de tirer quelques sons de ma guitare… Mais je
vais devoir la ré-apprivoiser, soir après soir.

Mardi 8
Ca commence fort ! Cette nuit, le vent s'est levé, soufflant
crescendo, et le voilà qui ce matin, blanchit la mer.
Les vagues se jettent, rageuses sur la plage qui n'est plus
qu'écume, elles franchissent allègrement la jetée,
et labourent la passe, interdisant toute sortie. Sous le ciel
pur, la mer se décline en trois couleurs, au loin bleu-marine,
plus près, émeraude et sur la plage, jaune-gris,
chargée qu'elle est du sable arraché au fond.
Pour l'instant, nous ne bougeons pas, photos, film, lecture,
bricolage à bord. La guitare, pas avant cet après-midi
afin de laisser à mes doigts de la main gauche, le temps
de se refaire une santé !!!
A midi, la météo sur la VHF confirme, coup de
vent force 7 à grand frais force 8 en cours sur la zone.
En effet, ça ne s'arrange pas du tout. Mais soleil et
ciel bleu sont au rendez-vous, c'est déjà ça.
Et mon lecteur MP3 me restitue fidèlement toutes les
musiques dont je l'ai chargé avant de partir, de quoi
occuper de longues heures, alors que se déchaîne
le vent à plus de 40 nœuds. Tandis que des promeneurs
déambulent sur les pontons bousculés par le vent,
nous avons l'impression de faire partie du décor. Quelques
uns se penchent, inspectent l'intérieur du bateau, facile
avec notre toit ouvrant, ce toit, qui levé, nous permet
d'être debout dans le carré et laisse entrer l'air
librement, tout en nous protégeant du soleil, un avantage
indéniable quand il fait très chaud. Lecture,
guitare, mal aux doigts, mal au poignet, la nuit tombe…
Le vent baisse d'un ton…

Mercredi 9
Le calme est enfin revenu. Seul un souffle de vent persiste
à rafraîchir l'atmosphère. Le ciel s'est
paré de moutons blancs frisottés… Laissons
le temps à la houle de s'aplatir et dans la journée
nous nous dirigerons vers l'île d'Elbe.
A 13 h 30, nous sommes en mer, une belle première étape,
toute à la voile qui nous amène à Marciana
Marina sur Elbe à 19 heures. Mer belle, soleil, petit
vent…
Ce port que nous avons souvent vu archi-comble en août
avec des bateaux à couple par dix ou douze, est très
calme en juillet. Nous nous amarrons en troisième position,
sans problème. L'Italie en bateau, c'est en juillet qu'il
faut la faire, parce qu'en août, c'est la folie. Ports
plus que pleins, bateaux dans tous les sens, mer agitée
par les grosses vedettes. Aujourd'hui, on a vraiment l'impression
d'être hors saison, quelle paix !
Balade le long du port, quelques achats pour le repas de ce
soir… Et retour à bord pour une soirée tranquille
dans la fraîcheur de la nuit. Et comme d'habitude, guitare
et lecture...

Jeudi 10
Dès 9 heures, nous prenons la mer pour traverser la quarantaine
de milles qui nous séparent de Bastia. Il faut commencer
par désamarrer le bateau qui est venu se mettre à
couple avec nous, hier soir et dont le propriétaire n'a
pas dormi à bord. Ensuite, une fois Cap Sounion dégagé,
nous amarrons l'autre voilier à notre place.
Ce matin, la mer est grise. Comme je suis assise tournée
vers l'est, je vois le paysage à contre-jour. Les différents
plans des montagnes se dessinent parfaitement, du plus sombre
sur le devant, au plus estompé, à peine une ombre
dans le lointain. Voilà pour le côté carte
postale du relief. La mer, je ne l'aime pas sous cette couleur.
Je préfère ses teintes marines, bleu profond,
vert émeraude qui captent le regard et indiquent un fond
sableux, une terre proche, la couleur transparente des criques
et des baies d'îles de rêve.
Mais là, à contre-jour, sous le ciel pourtant
bleu, elle apparaît métallique et froide, constellée
de millions de petits miroirs scintillants, une masse d'eau
profonde presque hostile, qui décourage à l'avance
toute velléité d'y tremper, ne serait-ce que le
pied par dessus bord. Pourtant, à l'est, alors que le
soleil a déjà bien amorcé sa courbe dans
le ciel, ce côté métal froid de la mer est
adouci par les reliefs brumeux des jours de beau temps. Le contraste
apporte une touche intéressante à ces tons trop
brillants que le peintre ou le photographe caresserait d'un
regard allumé. Si je me retourne vers l'ouest, à
perte de vue, c'est la grande bleue, bleue jusqu'à la
Corse lointaine, tout au bout de l'horizon et qu'on ne distingue
pas encore ce matin.

Il arrive certains jours, qu'on l'aperçoive,
ombre fine, dès le départ, mais pas aujourd'hui.
Devant nous, une immensité azur, une longue journée
de mer avant d'entrer dans Bastia, toujours un peu magique avec
son vieux port à la "Pagnol".
Vers 13 heures, alors que nous pique-niquons dans le cockpit
et que la mer est devenue "bleu océan" à
360 degrés à la ronde, tandis que dans les lointains,
Elbe et Corse veillent conjointement sur des horizons opposés,
nous croisons trois dauphins paisibles qui s'en reviennent de
l'île de beauté, accomplissant un trajet contraire
au nôtre.
Bientôt, Bastia se distingue, loin devant nous. Nous avons
bien filé avec moteur et grand-voile, 6 h 30 de mer.
Nous entrons dans le port qui n'a rien perdu de son charme vieillot
depuis notre dernière visite en 2000.
Cet après-midi, nous approvisionnons le bord en prévision
des prochaines étapes moins bien achalandées en
vivres. Nous faisons un premier voyage aujourd'hui, chargés
comme des mules, nous en ferons un autre demain matin. Nous
n'aurons plus que des produits frais à acheter tous les
deux ou trois jours, notre petit frigo (mixte, gaz et électricité)
nous permettant de les conserver sans problème. Vers
20 h 30, nous dînons dans un restaurant du bord de mer
avant de rentrer au bateau. Un groupe corse anime le port, deux
guitares électro-acoustiques, une basse et plusieurs
voix… Depuis Cap Sounion, nous sommes aux premières
loges.
Vendredi 11
Fin de l'approvisionnement du bord… Les coffres sont pleins
à craquer de boissons diverses, conserves de thon et
poisson, pain complet, fromages, biscuits et de quoi faire des
montagnes de salade composée. Le frigo déborde,
tout est rangé au millimètre pour pouvoir le fermer.
Nous sommes parés pour les contrées plus sauvages
de Sardaigne, les mouillages déserts et les étapes
où on arrive trop tard pour faire la moindre course.
14 heures ! Nous quittons Bastia… Vent contraire…
Brume sur les reliefs… Pas de voile aujourd'hui, que du
moteur et des vagues qui tapent ! Jean Paul est trempé,
lavé, salé… Moi ça va, je suis abritée
par la paroi de la cabine. Nous n'arriverons qu'à 20
heures pour une distance de 26 milles. Le port de Campoloro
(Taverna) n'a d'autre intérêt que de nous offrir
un abri pour la nuit. Pas de village, rien autour ! Une étape
utile pour couper la route, trop longue d'un seul tenant entre
Bastia et Solenzara. Et le calme complet pour jouer de la guitare
en sourdine… Mes doigts sont un peu plus résistants,
mais ce n'est pas pour autant que les accords sonnent bien.
J'ai encore des heures devant moi avant de retrouver un son
correct. En plus je trouve le manche de cette guitare (classique)
trop large. Autrefois, ça ne me posait pas de problème,
mais maintenant, j'aimerais un manche plus étroit. Je
verrai en rentrant pour m'acheter une folk.
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