Mercredi 18 août
Encore des vagues, si hautes, si fortes, que notre tentative
de sortie de la baie de Fornells échoue. Nous retournons
dans notre petite crique et y passons l'après-midi à
nous baigner tranquillement.
La météo, sur Radio-Marseille annonce un coup
de vent pour vendredi… Nous devons être à
Majorque avant qu'il ne se déclenche… Nous avons
en effet décidé de regagner Barcelone par Majorque,
ce qui fait une étape de 100 milles au lieu de 120…
Quelques heures de traversée en moins, c'est appréciable
!
Voilà pourquoi, en cette fin de soirée, sur une
mer aplanie, quoiqu' encore un peu houleuse au départ,
nous filons à toute vitesse vers Ciudadela. En route,
il faudra réduire la toile, car des rafales violentes
font trembler le génois et couchent le bateau. Sous grand-voile
seule, nous arrivons à tailler notre route correctement.
Un peu plus tard, nous renverrons le génois, car le vent
a molli. A une heure du matin, nous entrons dans Ciudadela,
aussi animée, que s'il était 9 heures du soir
!
Jeudi 19 août
Levée la première comme d'habitude, je branche
la radio en veille sur Marseille et m'en vais profiter de l'eau
douce – saumâtre devrais-je dire – pour laver
une tonne de linge.
Après la lessive, les provisions, et une douche à
grands seaux d'eau, nous voilà en route pour Majorque
à 34 milles de là… Il est à 11 h
30.
Temps magnifique, ciel bleu très pur, mer peu agitée,
bon vent…
Le bateau file à 5 nœuds… Il marche bien cette
année, beaucoup mieux qu'en Angleterre.
C'est ainsi que tantôt, le vent forcissant peu à
peu, nous atteignons les 6 nœuds. La mer se forme, les
vagues se couvrent d'écume, le vent siffle dans les haubans…
7 nœuds… le bateau gîte… 7,5 nœuds…
Il est temps de remplacer le génois par le foc ! Nous
retombons à 6 nœuds, des vagues viennent briser
sur le pont, me douchant copieusement à chaque fois.
Au début, ça rafraîchit, surtout que le
soleil nous grille toujours autant et que le ciel reste d'un
bleu azuréen ! Mais peu à peu, je commence à
avoir froid… Nous fonçons sur les vagues ! Un ris
dans la grand voile… toujours 6 nœuds… c'est
incroyable…
Arrivés dans la baie de Pollensa (Majorque), tout s'apaise,
le vent, la mer, et pour finir, nous renvoyons toute la toile,
avant de mettre le moteur en marche sur les derniers milles.
Nous voilà à Majorque, paysage varié et
montagneux, en attente de ce coup de vent de demain. Le vent
souffle fort, pas trop quand même, mais assez pour faire
claquer les drisses attachées…
Vendredi 20 août
Journée de paresse…
Après une matinée de rangement, lavage, cuisine,
plein d'essence, nous passons l'après midi à flâner
dans le port de Pollensa, et à nous baigner.
Comme nous sommes bloqués ici en attente du coup de vent
force 6 à 8 annoncé, nous avons loué une
petite Fiat pour demain et organisé une expédition
dans l'île…
Minuit : un orage formidable vient d'éclater. Nous devons
tripler les amarres… Comme on est bien au port ! Des éclairs
partout, des trombes d'eau, des rafales force 8 au moins ! Un
foc à enrouleur se détache, il bat follement et
se déchire sous nos yeux. Des gens interviennent et arrivent
à le réduire. Nous rangeons tout ce qui traîne.
Dans les bateaux, tout le monde regarde le coup de vent, les
drisses résonnent comme les cloches d'un troupeau de
vaches dans la montagne. C'est un spectacle saisissant, que
ce vent si fort, dont on ne peut même plus dire qu'il
siffle, souffle puissant, plein de bruit et de force, qui couche
tout sur son passage, dans un ciel blanc d'éclairs aux
quatre coins de l'horizon ! Et dire qu'on aurait pu être
en mer ! J'ose à peine imaginer les vagues, si un vent
pareil persiste. Déjà, à l'abri, nous commençons
à être agités, et malgré cela, un
voilier vient de sortir, je ne voulais pas le croire…
On n' est vraiment pas mal du tout dans ce petit port de Majorque
!
Samedi 21 août
Notre dernier jour aux Baléares… Si la météo
est bonne, nous mettons le cap sur Barcelone demain.
Longue journée dans les terres :
9 heures, nous allons chercher la voiture de location, une Fiat
131… La première ville que nous traversons s'appelle
Alcudia, elles est entourée de murailles du 14ème
siècle.
Nous nous dirigeons ensuite vers Porto Cristo, où nous
espérons visiter des grottes et un parc auto-safari.
La route serpente à travers la campagne, découvrant
tour à tour figuiers, pins, oliviers, chênes-verts,
amandiers, palmiers, manguiers, une véritable profusion
d'arbres et fruits exotiques.
Nous commençons par la visite des grottes d'Hams. C'est
une féerie de couleurs, de lumières, de sculptures.
Un fin travail de ciseleur accompli par la nature ! Les stalactites
fines aiguilles de roches, gouttent lentement pour construire
à leurs pieds les stalagmites qui les rejoindront un
jour formant ainsi des colonnes. Nous assistons à un
concert sur la "mer de Venise"… Une barque illuminée
glisse sur le lac souterrain, dans le noir, tandis que les musiciens
jouent…
Les salles portent des noms enchanteurs : "cimetière
des fées", "paradis perdu", "rêve
des anges"… On s'émerveille devant des champignons
de pierre, des fontaines, des cathédrales aperçues
au fond des lacs souterrains, un troupeau d'éléphants,
une crèche, un panthéon, des troncs de palmiers,
toutes choses naturellement creusées par la mer dans
les roches, et habilement habillées de jeu de lumière
par les hommes. Nous avons passé dans cette grotte, un
long moment d'enchantement, une sorte de rêve, dans un
monde irréel.
Ensuite, nous avons parcouru en voiture une réserve africaine.
Olivier ne disait pas un mot ! Il était stupéfait
de voir ce petit singe grimpé à califourchon sur
une gazelle, ou cette autruche traversant lentement la route
pour rejoindre une mère et ses petits. Eléphants,
herbivores, oiseaux, hippopotames, singes, girafes, et autres
ont fait la joie des enfants. Pourtant a dit Vincent, "le
plus beau, c'étaient les grottes".
Plus tard, nous avons repris la route vers Lluch et le torrent
de Pareis.
Quelles merveilles ces versants aux roches tourmentées,
déchiquetées ! Une route en lacets très
serrés serpente à flanc de montagne, grimpant,
descendant des cols… découvrant à perte
de vue, des terres arides, où semblent pousser des pierres,
des colonnes, des statues de roches, elles aussi sculptées
par le temps. Sur d'autres coteaux, se révèlent
des cultures de figuiers en espaliers… Au loin, au détour
du chemin, de magnifiques échappées sur la Méditerranée…
une vue plongeante sur le lit creusé à même
la roche du torrent Pareis… une descente vertigineuse…
et nous voilà à "La Calobra", crique
superbe, d'un bleu intense, ourlée de rouleaux d'écume
si blanche qu'on voudrait la boire
Puis c'est la remontée vers Lluch, encore des arbres
fruitiers, la petite ville de Pollensa, où nous pouvons
nous désaltérer sur une place ombragée.
Vincent, observe, fasciné la noria dont je lui explique
le fonctionnement, tout comme il a voulu savoir comment marchait
le moulin apparu dans un virage à la sortie de Manacor,
et comment encore, la mer a pu façonner les si belles
grottes visitées ce matin : "ça, c'est un
mystère !"
De retour au port, nous rendons la voiture. Les enfants se baignent
et nous passons la soirée à bavarder avec nos
voisins de bateau, des français de Six-Fours qui comptent
comme nous rallier Barcelone demain. "C'était vraiment
une belle journée !" conclut notre petit capitaine
Vincent…
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