Samedi 7 et dimanche 8 août
C'est samedi à midi, que commence notre traversée vers Minorque, c'est dimanche à minuit, qu'elle s'achève… Trente-six heures mouvementées !
Nous attendions disais-je hier, une météo favorable. Or, samedi, la dépression cause du coup de vent annoncé, semblait (d'après Radio-Marseille) s'éloigner vers l'Est. Nous avons donc décidé de partir à midi.
La mer était belle, le bateau marchait bien depuis plusieurs heures; à 18 h 30 je capte Marseille pour le bulletin-météo : coup de vent force 7 annoncé localement sur le nord du bassin.
Que faire ?
Demi-tour ?
Après six heures de mer, il en fallait au moins autant pour revenir… et d'ailleurs localement ce pouvait aussi bien être sur la route du retour !
Après discussion, consultation des cartes météo, il nous sembla que les régions concernées se trouvaient plus au large, vers l'Est de la Méditerranée et sur le littoral au nord de Barcelone. Nous pensions donc nous éloigner de la zone menacée en filant vers Minorque.
Jusqu'à 3 heures du matin, en effet le vent se montra capricieux, faible et variable. Puis, soudain, il forcit ! Les vagues grossissaient… devenant peu à peu d'énormes masses d'eau qui couraient sur l'arrière du bateau, passaient dessous, se sauvaient très vite sur l'avant. Quelques unes commencèrent à envoyer des giclées salées sur le pont, il fallut tout fermer. Tous les quatre à l'intérieur, le pilote automatique branché, nous passâmes de longues heures dans la mer tourmentée. Il fallut d'abord affaler le génois, puis prendre un ris, deux ris dans la grand voile. Sous cette voilure réduite, le bateau fuyait devant le coup de vent qui le poursuivait. Cela dura toute la nuit. Dans les couchettes, il fallait se cramponner pour ne pas se retrouver par terre avec le matelas. Les enfants dormaient tranquillement, tandis que le bateau se comportant admirablement, montait et descendait sur la crête des vagues, quelquefois déferlantes. Au petit jour, nous espérions que ce serait plus calme ! Pas du tout ! Cela dura et dura, sans faiblir, le vent, les vagues, le vent, les vagues…
Dans l'après-midi, nous étions en vue de Minorque. Un léger mieux se faisant sentir, nous espérions que tout serait apaisé pour notre arrivée à Fornells en fin de journée…
Mais justement, la crainte de n'être pas assez abrités à Fornells nous fit opter pour Mahon ! Il fallait contourner une partie de l'île, et le vent et la mer au lieu de se calmer, s'étaient remis à forcir de plus belle.
Aucun point de repère de jour, sur une mer forte qui nous empêchait d'approcher la côte ! Comment s'y retrouver ?
A un moment, nous avons cru y être, mais ce n'était pas le port… Faire demi-tour dans cette mer chaotique, affronter le vent et les vagues de face : dure épreuve !
La mer venait briser sur les rochers proches du phare, tout était blanc tourbillon d'écume. Il fallut fuir dans l'autre sens et continuer notre recherche du port. Heureusement, le phare s'étant allumé (il était 20 h dimanche), précieux allié, il nous permit de repérer sur la carte l'endroit où nous étions. Nous devions longer la côte d'assez loin, à cause des énormes vagues contre lesquelles, il n'aurait pas fait bon lutter de face, si nous nous étions approchés trop près du rivage.
Enfin, longtemps après, nous reconnûmes dans le noir, le relief dessiné sur la carte, la presqu'île, et plus tard, derrière, le feu à quatre occultations de Mahon, le tout caché et découvert sans arrêt par les hautes murailles liquides qui bouchaient notre horizon à intervalles réguliers. Découvrir ensuite les feux verts et rouges de la passe, et puis entrer sous les gifles des vagues, et le vent sifflant force 7 dans les haubans, encore des crêtes d'écume et puis soudain la mer calme, calme, calme…
Minuit !
Toute la nuit à l'abri dans la rade de Mahon, et à l'ancre, nous avons entendu le vent hurler, le bateau s'arc-bouter sur sa chaîne… Quel bonheur d'être à l'abri !….

Dessin original

Lundi 9 août
Ce matin, pensant qu'une de nos ancres avait chassé, nous avons changé de mouillage et passé la matinée à remettre de l'ordre dans le bateau, laver du linge, sécher, nettoyer la moquette sur laquelle le café s'est renversé… et j'en passe…

Ce soir, après une balade dans Mahon, nous rentrons à bord, les grillons chantent, il fait doux dans la nuit tombée et on n'entend plus le vent ! Non, il n'y a plus de vent …

Mardi 10 août
Après une nuit encore ventée, le calme a fini par s'installer dans la journée…
Après être allés au marché couvert à la fraîcheur bien agréable par ce beau temps chaud, nous avons décidé de hisser les voiles, et de tenter une sortie sur la côte sud, sans doute bien protégée des vents de nord dominants.
Vincent a attrapé trois petits poissons venus rôder comme des centaines d'autres autour de la coque… Il n'était pas peu fier de les décrocher de l'hameçon… Nous avons également trouvé un poisson volant venu s'abattre sur le pont, pendant la tempête.
Une fois en mer, le vent s'est révélé encore assez fort, et nous n'avons hissé que la grand voile.
Nous avons admiré au long de la côte toutes ces beautés de la nature pour lesquelles on a traversé la France avec le bateau en remorque, et passé 24 heures (sur une traversée de 36) dans une mer devenue folle… Toute une collection d'images qui font la trame des souvenirs :
Rochers qui défilent sous nos yeux, jaunes au lever du soleil, rouges au couchant, noirs à contre-jour… eau bleu-émeraude, turquoise, si limpide, si claire qu'on voit tous les détails du fond, jusqu'au cœur de la nuit… lune d'argent qui scintille, et dessine en clair-obscur les mâts, la crique, le clapotis des vagues… falaises trouées de grottes au ras de l'eau, habitations troglodytes… odeurs de pins, d'arbres, de pays chauds… Voici la toile de fond de cette première journée de cabotage sur la côte sud de Minorque… Restent à ajouter les dernières petites touches de peinture :
L'arrivée, après une escale-baignade à Cala Benibeca, dans une minuscule crique, au moment précis où l'ombre du jour finissant va s'épaissir et devenir nuit, tandis que le soleil a disparu à vue d'œil derrière l'horizon, embrasant le ciel d'un rouge flamboyant… la lente glissade sur l'eau plate qui clapote doucement, entre deux murs de rochers… les falaises qui s'entrouvrent à peine pour laisser apercevoir une petite anse-cachette dans laquelle les bateaux au mouillage se dérobent au regard du large… et puis là-haut, une constellation d'étoiles qui veilleront sur notre sommeil.

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