Lundi 10
Le ciel étant bleu ce matin, nous partons vite pour notre excursion en haute montagne, de crainte que ça ne se couvre de nouveau bientôt. Il s'agit de la route Transfagaras qui franchit les montagnes les plus hautes du pays (Mont Moldoveanu : 2543 m) et qui n'est ouverte que de jour, et qu'une partie de l'année.
Nous partons par Talmaciu, la route longe une rivière qui s'étale dans la prairie avoisinante, baignant le pied des arbres. Vaches, bergers et pêcheurs complètent le tableau. A l'approche de la cascade Balea, nous remettons vite fait les jeans. Trop frisquet pour rester en short ! Des nuages se développent, mais la vue n'est pas bouchée. C'est une large cascade noyée perdue dans la verdure, au dessus de laquelle la neige recouvre les versants. Une extraordinaire route en lacets et épingles à cheveux monte jusqu'à Balea. Il ne doit pas faire loin de 0° ici, la neige subsiste sur les bas-côtés. Le lac Balea est au sommet, nous l'avons aperçu une minute avant qu'il ne disparaisse dans le brouillard. Nous avons dû traverser à pied, et en basket, un grand espace enneigé pour l'atteindre. Ca glisse bien, et il fait froid.

Le sommet

La descente est encaissée entre un versant de forêts et un versant de prairies parcourues de ruisseaux et cascades surmontés de sommets enneigés. Chevaux de toutes les couleurs et moutons animent le paysage. Nous pique-niquons au dessus du lac Vidraru. Il fait un peu moins froid qu'en haut. La route continue de descendre. Un immense troupeau de moutons poussés par des bergers armés de bâtons et précédés de cavaliers sur des chevaux gris, bruns, noirs, beiges, avance dans la rivière que nous longeons. Une jolie image à saisir !
Partout, dans la nature, sur les routes, dans les villages, il y a toujours autant de chiens, c'est incroyable… et des charrettes aussi, mais pour nous maintenant, elles font partie intégrante du paysage, nous ne nous arrêtons plus pour les photographier.
Embouteillage ! Un autre troupeau de moutons et vaches suivi de cavaliers et d'un attelage obstrue la route. Nous roulons un moment derrière lui pour profiter du spectacle. Dans ce coin, nous voyons plus souvent des bœufs attelés qu'ailleurs.
Nous arrivons au monastère de Curtea de Arges. Différent des autres, il a donné naissance à une légende.
On raconte que lors de sa construction, les murs construits dans la journée s'écroulaient chaque nuit. Un jour, Manole le constructeur rêva que pour achever son œuvre, il devrait sacrifier la première femme qui pénètrerait dans l'église. Or ce fut sa propre femme qui y entra et qu'il dut donc emmurer vivante pour finir le monastère.
A la fin des travaux, le prince qui avait commandé l'ouvrage, fut si content, que pour ne pas le voir égalé, il fit enlever les échelles, condamnant ainsi Manole à rester sur le toit. Mais celui-ci se fabriqua des ailes en bois et s'envola… pour s'écraser juste en bas.
Nous regagnons la caravane à plus de 21 heures, à cause des travaux sur la route (comme partout) qui ont provoqué des embouteillages. Il fait nuit noire !

Mardi 11
Nous quittons le camping à 13 heures pour une nouvelle étape avec la caravane. Le temps agréable depuis ce matin s'attriste. A 14 h 30, sous traversons Sebes sous une pluie battante, et prenons la direction d'Alba Iula, pour ensuite nous enfoncer dans les monts Apuseni, via Abrud. Par ici, le décor change, l'habitat s'individualise. Finis les alignements de maisons des villages saxons. On est dans la montagne, les toits sont recouverts de tuiles rouges et les murs sont en dur, ce qui les différencie des maisons des Maramures ou de Bucovine. Dans les champs, on retrouve les meules de foin qui sèchent…sous la pluie.
Sur les maisons anciennes, un balcon en bois intégré sous le toit, court tout du long de la façade. Certains d'entre eux sont même complètement fermés par des carreaux, ce qui fait une sorte de galerie intérieure. Et il pleut jusqu'à Garda de Sus, dans le pays des Moti, où nous nous installons dans le camping Mama Uta conseillé par le Routard. C'est un pré au bord de la rivière Ariès. Après quoi la pluie s'arrête, mais un petit coup de chauffage ne nous fera pas de mal. Il est 19 heures, pourtant nous avons bien peu roulé, 180 km environ en six heures.

Mercredi 12
Il pleut, pleut, pleut. Nous allons poster les cartes à Albac à une vingtaine de kilomètres de Garda. Le long de la rivière, des hommes armés de perches de trois à quatre mètres de long munies d'un crochet à l'extrémité, harponnent le bois qui dévale sur l'eau boueuse. En effet, la rivière, avec les pluies, a pris la couleur de la terre.
Nous rentrons déjeuner à la caravane, toujours sous la pluie et passons l'après-midi, avec le chauffage, à écouter les gouttes tambouriner, tout en lisant, ou jouant à divers jeux… Ca ne s'arrêtera donc jamais !
Pour nous aérer un peu, nous allons dîner au resto du camping…sous la pluie naturellement… Excellente soupe de pays, suivie d'une "mamaliga", espèce de pollenta garnie de cubes de jambon rissolés, de fromage blanc avec un œuf sur le dessus.
Le retour est assez épique. Il pleut toujours et il fait noir comme dans un four. Nous n'avons pas pensé à emporter la lampe de poche. A l'aller, il faisait jour, nous avons pu éviter l'eau et la boue. Mais au retour ! Je remonte mon jean jusqu'aux genoux, et vogue la galère, pas moyen d'éviter d'avoir les pieds submergés. Les baskets pleines d'eau, les chaussettes trempées, le K-way dégoulinant, nous rejoignons la caravane. Pour tout arranger, depuis quelques jours, nous avons une infiltration d'eau au niveau du lanterneau. Impossible de colmater, il faudrait monter sur le toit. Donc suivant la pente de la caravane, l'eau goutte dans un des placards, soit ceux au dessus du salon, soit celui de la cuisine. Jean Paul a mis du Rubson, il y a trois jours, dans les trois du fond, pour l'instant ça tient. Mais pour la cuisine, il faut attendre que la pluie s'arrête (il pleut depuis plus de 30 heures) pour colmater la fuite par l'intérieur, solution provisoire en attendant de réparer l'entrée d'eau du lanterneau, une fois rentrés chez nous.
J'ai vidé tous les placards concernés, nos chaussettes, chaussures et k-way sèchent dans l'entrée, mais tout va bien quand même, il fait bon chez nous, et nous avons coupé le chauffage qui a marché tout l'après-midi. Pour la nuit, nous avons de bonnes couettes, mais s'il pleut encore demain, on s'en va de ce coin-là ! On a vu un gros soleil sur la France à la météo roumaine. Damned !

Jeudi 13
La pluie s'est enfin arrêtée cette nuit. Ce matin le soleil est au rendez-vous dans un ciel tout bleu. Nous allons à Beius où se tient un grand marché le jeudi matin. Dans la vallée d'Albac à Lunca, la tuile se fait rare, beaucoup de maisons ont un rez-de-chaussée en dur et un étage en bois. Mais dès qu'on prend de l'altitude, on retrouve la tuile. La terre se réchauffe et fume. Dans les creux, des nuages se forment au ras du sol et s'élèvent lentement. Pas étonnant avec toute l'eau qui est tombée ! Nous traversons de temps en temps ces bancs de brume. Dans la vallée de Beius, se trouve la jolie église en bois de Rieni aux murs ornés de croix en bois sculptées. Elle n'a rien à envier aux églises des Maramures. Nous pique-niquons à Nucet, dans un pré au bord de la rivière "Crisu Baitei". Nous suivons ensuite le cours de l'Aries. Des versants environnants, dévalent de nombreux ruisseaux qui viennent se perdre dans le cours principal. La route suit la rivière dont la couleur marron commence à s'atténuer. Aujourd'hui, toutes les charrettes que nous croisons sont couvertes, on dirait des chariots de la conquête de l'ouest en Amérique.
Après les gorges de l'Aries, à Albac, nous prenons la direction d'Horea. C'est encore une route au bord d'un ruisseau noyé de verdure, avec les montagnes vertes de prairies et de forêts en arrière-plan. Superbe ! Par un chemin de terre, nous nous élevons ensuite vers Poiana Horea, en pleine montagne du pays des Moti. C'est un véritable chemin forestier que nous suivons, semé de trous et d'embûches, bordé de bois coupé. Déjà 20 km de chemin défoncé avec mares d'eau et ruisselets au milieu, et une borne indique encore 10 km pour Poiana Horea. Bonne nouvelle, on est en tout cas sur la bonne route, ce qui n'était pas gagné d'avance, vu les bifurcations sans pancartes. Dans ce pays perdu des Moti, l'habitat est rudimentaire, petites baraques en bois sans couleur et clôtures en dosses. Nous sommes au cœur d'une vieille civilisation préservée par la nature. Paysage de bocage montagneux, ruisseaux, verdure, verdure…Hameaux de quatre ou cinq bicoques vétustes reliés par ce chemin épouvantable, pas de téléphone, pas d'électricité, pas de routes. En traversant les passages de boue liquide, les mares qui occupent la largeur du chemin, nous espérons ne pas rester coincés dedans. Voilà deux heures que nous y sommes! Pour 30 km ! Je crois qu'on arrive au bout. Tiens, deux cochons en balade au milieu de la route ! Des chevaux tirent des troncs d'arbres abattus à l'aide d'une chaîne. Comme il n'est pas question de revenir par le même itinéraire, nous allons faire un grand détour pour rentrer par Belis, Somesu, Gilau, Baisoara, Buru, Baia de Aries, Campeni, Albac et Garda. La journée tire à sa fin, les gens rentrent, la faux sur l'épaule, des buffles regagnent leurs pénates. Nous, nous en sommes encore loin.

Vendredi 14
Nous partons avec la caravane sous un beau soleil. Il fait frais, mais on est bien et la lumière est belle. Nous passons une dernière fois dans cette vallée qui suit l'Aries, en direction de Lunca. La nature y est encore préservée, mais pour combien de temps ? A Vartop, une dizaine de kilomètres après Arieseni, la montagne est déboisée, des pistes de ski se préparent, les bâtisses poussent comme des champignons, hôtels ou pensions, de hauts bâtiments aux couleurs criardes qui ne s'intègrent pas du tout dans le cadre.
Depuis que nous sommes dans les monts Apuseni, nous ne nous sentons pas très en sécurité sur la route. Il y a peu de véhicules heureusement, mais ceux qui circulent roulent n'importe comment, à gauche, en coupant les virages et à toute vitesse. On les voit arriver face à nous, et on a intérêt à serrer au maximum à droite et freiner, car eux se poussent à peine.
Nous atteignons la grotte aux ours à Chiscau (25 km de Beius) et commençons par pique-niquer sur l'herbe au bord de la rivière. Tables et fauteuils au soleil, quel pied ! Ensuite, visite de la grotte au fond de laquelle gît un squelette d'ours complet. A part l'ours, on y voit stalactites et stalagmites comme dans toutes les grottes. Arrêt-minute au musée bric-à-brac d'épaves automobiles et agricoles et de vieux objets du pays.
Nous repartons vers Oradea. Beaucoup de vieilles femmes par ici, portent des jupes plissées et évasées à mi-mollets, souvent noires, mais pas systématiquement. On voit dépasser dessous un pantalon collant noir qui s'arrête aux chevilles pour rejoindre une grosse paire de chaussettes. Sur la tête, elles portent un foulard noué derrière.
Il fait beau, mais l'automne s'approche à grands pas. Les arbres ont commencé de jaunir, apportant des nuances dans les tons verts qui dominent encore.
Oradea : Un beau centre-ville avec des maisons et monuments des XIX et XXèmes siècles, style "Art nouveau", baroque décadent, couleur pastel et de jolis détails sur les façades et les toits. Mais nous n'avons pas trouvé le palais baroque avec autant de fenêtres que de jours dans l'année comme le décrit le Routard. Nous n'avions pas de plan, et dans la ville il n'y en avait pas non plus. Tant pis !
Nous passons la nuit sur un parking à la périphérie d'Oradea.

Samedi 15
Quelques courses, et nous partons pour atteindre la frontière roumano-hongroise à Artand. Ainsi s'achève notre périple en Roumanie. Nous entrons en Hongrie pour passer quelques jours à Budapest.
Nous avons parcouru 3471 km en Roumanie.

Suite de notre voyage dans le journal de Budapest

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