Mercredi 5
Le temps gris humide est de retour. Nous longeons le lac, qu'on voit mieux dans ce sens-là. Très découpé, d'un gris-vert acier qui reflète la tristesse du ciel, il s'enfonce dans les terres à différents endroits. Nous franchissons le barrage de Bicaz, déjà passé hier dans l'autre sens, et nous dirigeons vers Gheorgheni. Et tout devient gris, "brouillasseux", il pleut des cordes. Nous traversons des gorges très étroites, il fait presque nuit tant les parois sont hautes et le ciel sombre. A la sortie d'un goulot resserré, nous trouvons un endroit pour nous arrêter et manger en attendant que l'orage qui tonne maintenant juste au dessus de nous, se calme. Le soleil pointe bientôt son nez, pour s'enfoncer aussitôt dans la masse nuageuse, mais il ne pleut plus. Nous sortons des gorges et longeons une petite rivière qui s'élargit à un moment pour former le minuscule lac "Rosei". En haut du col, le temps s'éclaircit.
Après Gheorgheni, nous traversons une région verdoyante, peuplée d'une ethnie magyare. Les noms de villages sont donnés en hongrois et en roumain. Les femmes portent de longues jupes colorées. Dans certains villages, les maisons rappellent celles de la campagne tchèque. D'autres ont des couleurs bien pimpantes, framboise, orange vif, mandarine, jaune citron, vert cru presque fluo et tous les tons de rose, du plus clair au plus éclatant. D'autres encore sont de couleur pierre, grises ou dans la gamme des beiges. Dans cette région, les toits sont couverts de tuiles.
Autant les villages sont attrayants, autant les faubourgs des villes sont sinistres. Blocs de béton sales avec des centaines de fenêtres alignées ou de balcons fermés, les immeubles suggèrent l'austérité de l'Europe de l'est. Entrepôts et usines ajoutent encore à cette impression de décrépitude.
Nous arrivons à Brasov à 19 heures, sous l'orage et la pluie battante. Nous nous garons sur un parking entre de grands immeubles pour la nuit. Et il pleut, pleut, pleut à seaux toute la soirée, toute la nuit…

Jeudi 6
Il fait froid et gris. Ce matin, nous visitons Brasov, la place Sfatulei bordée de belles maisons et au centre de laquelle se dresse la maison du Conseil, les rues piétonnes et l'église noire (Biserica negra) qui doit son nom à la suie déposée sur ses murs lors d'un incendie qui ravagea la ville en 1689. Puis nous marchons jusqu'au quartier roumain du Schei qui n'offre pas un grand intérêt (à mon avis).
Après deux heures de balade, nous partons avec la caravane, et nous nous fixons à Soars, au cœur du pays des citadelles saxonnes. C'est un village de la campagne profonde au calme paisible distrait par le chant des coqs et les aboiements des chiens. Nous campons à l'entrée du village, sur un terre-plein herbeux situé devant les maisons. Tout près, coule un ruisselet. Sur la route, à 10-15 mètres de la caravane, passent de temps à autre une voiture ou une charrette à cheval. Quand nous allons à pied, acheter le pain à l'autre bout du village, tout le monde nous salue. Et du monde dehors, il y en a !
Fin d'après-midi, les gens sortent et s'assoient sur les bancs devant les maisons. Une femme vient nous proposer de nous installer chez elle. Je fais semblant de ne pas comprendre, nous n'avons pas envie de bouger de là.
Vingt heures, c'est le retour du bétail. Vaches et chevaux envahissent la route et l'herbe. Et voilà une vache entre la caravane et la voiture ! Elle ne va quand même pas enjamber l'attelage ! Une femme arrive et la chasse. Les chevaux restent à brouter à une vingtaine de mètres. Nous passons à table, la nuit tombe.

Vendredi 7
Retour du soleil ! Aujourd'hui, visite des citadelles saxonnes, il s'agit d'églises fortifiées construites pour protéger la population contre les turcs. En cas de siège, chaque famille avait ses réserves rangées dans des celliers privés ou collectifs. Ces citadelles ont été conservées par les communautés saxonnes jusqu'à leur exode qui a commencé juste après la guerre (on les suspectait de complaisance avec l'Allemagne) et s'est poursuivi jusqu'en 1990. Désormais, elles sont désertes.
Nous commençons par Felmer, ensuite nous nous dirigeons vers Viscri. Sur notre chemin, la campagne est ponctuée de villages traversés par une route principale pleine de nids de poules. De chaque côté, les maisons séparées les unes des autres par de grands portails, forment un alignement continu. Un terre-plein herbeux sépare les maisons de la route. Les habitations de toutes les couleurs rappellent, par leur forme et leur toiture, celles de la Bohème. D'un village à l'autre, la route n'est qu'une succession de trous.
A Dacie, un certain nombre d'habitations sont datées, 1957, 60, 66… Nous prenons à gauche une piste en caillasse défoncée de 7 km pour atteindre Viscri.
Cette citadelle est très intéressante à visiter. On peut monter en haut de la tour par un escalier raide et sombre qui démarre au fond de l'église et ainsi surplomber les lieux. Dans les cases creusées à même les murailles subsistent d'anciens meubles et objets, métiers à tisser, costumes, coffres, lits superposés, poussettes, cuves à pain, appareils à saucisses, planche à gâteau… On voit même un morceau de lard pendu au plafond depuis 1990. En effet, les gens n'ayant pas de réfrigérateur, utilisaient la tour toujours fraîche, pour y entreposer leur lard sur la couenne duquel était marqué le numéro de leur maison. Chaque dimanche, ils venaient chercher leur portion pour la semaine. Le gardien des clefs vérifiait l'appartenance du lard, puis refermait la tour jusqu'au dimanche suivant.
Piste cahoteuse, pleine nature, trois chiens sauvages surgissent près de la voiture et aboient comme des féroces. Remontons les vitres et accélérons !!! Nous pique-niquons quelques kilomètres plus loin, non sans surveiller les alentours, au cas où…
Cloasterf : autre citadelle, fermée celle-là. Des chiens dorment paisiblement au milieu de la rue en terre du village. La Roumanie est envahie de chiens errants, et en plus chaque maison semble avoir le sien.
Saschiz : la citadelle est en réfection et fermée. Nous doublons le cortège d'un enterrement sur la départementale. Cette fois, le défunt est dans un cercueil fermé porté par quatre brancardiers. Les gens suivent à pied sur le bord de la route.
Sighisoara : Nous parcourons la ville haute enfermée dans les murailles d'une citadelle qui ceinture le quartier et non plus seulement l'église.
Tiens, c'est marrant ! Revoilà les occupants des deux camping-cars allemands (le rouge et le blanc), qui étaient avec nous au camping de Sapanta. On les a retrouvés une première fois dans le monastère de Moldovita, une seconde fois sur le parking où j'ai acheté les œufs de Bucovine, et maintenant à Sighisoara, à plusieurs centaines de kilomètres de Sapanta. On doit avoir préparé le même itinéraire. A chaque fois, on se fait un grand bonjour en riant de la coïncidence.
Apold : La citadelle est assez bien conservée de l'extérieur, mais on ne peut pas y entrer.
Nous repartons. Non loin de la route, un renard nous regarde passer et s'enfuit quand nous arrêtons la voiture. C'est le deuxième de la journée. D'immenses troupeaux de moutons marchent dans les champs, poussés par deux bergers qui les rassemblent en cette fin d'après-midi. Nous descendons de voiture. Les cris des bergers se mêlent aux centaines de bêlements. C'est une très belle image que le mouvement des milliers de pattes convergeant vers la cahute du berger. Une charrette passe, suivie d'un jeune poulain, ils entrent dans le pré et se mêlent aux moutons. Survient un autre attelage chargé de bidons de lait en fer blanc. Pour nous, c'est le temps suspendu !

D'immenses troupeaux...

Lacobeni : Une citadelle, de jolies maisons colorées, des chevaux, des charrettes, des chemins boueux et un ou deux vieux ponts qu'on espère solides quand on passe dessus.
Agnita Dealu Frumos : Encore une belle citadelle fermée. Par ici, circulent des Roms de "classe supérieure". Les femmes portent de longues jupes rouges et les hommes un pantalon noir avec un petit chapeau à bords.
Nous continuons d'une église fortifiée à l'autre, tandis que le soleil baisse sur l'horizon. Nous approchons de Merghindeal, une dernière citadelle avant de rentrer par une route cabossée. Ilest 20 heures, le bétail rentre lui aussi.

Samedi 8
Il fait froid, et gris quand nous quittons Soars avec la caravane. Nous roulons de concert avec un camping-car du Finistère. Nous l'avons vu traverser Soars, hier soir. Bref arrêt sur la route ! Ils ont dormi chez l'habitant, quelqu'un de la famille d'un photographe d'Aurillac qui a fait un livre sur la Roumanie. Ils nous donnent les coordonnées du bouquin.
A Cincsor, nous pouvons entrer dans la citadelle et dans l'église, c'est une chance, parce qu'une femme est en train de balayer l'allée et de ce fait, la porte est ouverte.
Nous allons à Sibiu, ça n'avance pas. Toutes les 5 minutes, nous sommes arrêtés par un feu, parce que la route est en travaux. On ne doit pas faire beaucoup plus de 20-25 km dans l'heure. De toutes façons, depuis le début, toutes les routes à grande circulation sont en réparation, et quand on circule sur les routes de campagne, elles sont pourries. Je ne parle pas de l'autoroute, nous ne l'avons pas pris.
Et maintenant, il pleut. En approchant de Sibiu, nous voyons des petits étals de fromages sur le bord de la nationale, protégés de la pluie par un parasol.
Après bien des détours et 4 h 30 pour faire 80 km, nous trouvons un camping à Cisnadioara au sud de Sibiu. Il pleut à verse. Le chemin d'accès, comme d'habitude est à peine praticable avec la caravane. Mais enfin, on est posé et on regarde la pluie par les carreaux. Et, non c'est pas vrai ? Voici nos deux camping-cars allemands, le rouge et le blanc, qu'on voit presqu'à chaque étape depuis Sapanta. Comment est-ce possible de les retrouver par hasard, dans un trou perdu comme celui-ci ? Et pour la cinquième fois…
Nous passons l'après-midi dans la caravane, avec le chauffage au gaz allumé.

Dimanche 9
Le temps s'améliore, un peu de soleil perce entre les nuages. Nous allons au centre historique de Sibiu. Sur la grande place entourée de magnifiques bâtiments, se déroule une cérémonie religieuse en plusieurs langues, filmée par la TV roumaine. La foule est dense autour du podium d'où s'élèvent de très beaux chœurs. Et tiens, revoilà nos voisins allemands à pied comme nous ! Ils nous conseillent de monter en haut de l'église. Nous grimpons dans la tour du clocher à midi, juste au moment où les cloches se déchaînent. Il faut attendre que ce soit fini pour pouvoir s'approcher, c'est assourdissant, les escaliers en bois frémissent. Du sommet, nous découvrons une vue splendide sur la vieille ville, ses trois clochers, ses places imbriquées les unes dans les autres.
Des trois villes de Transylvanie méridionale, Brasov, Sighisoara et Sibiu, c'est cette dernière que j'ai trouvée la plus belle. Nous achetons un livre sur la Roumanie avant de rentrer déjeuner à la caravane.
Dans l'après-midi, nous partons pour parcourir en voiture seule, un itinéraire-nature, qui nous emmène dans un paysage riant et lumineux jusqu'à Saliste, Tilisca, Poiana Sibiuliu. Les Roumains allument des feux dans les champs et pique-niquent, on est dimanche et le soleil est de retour.
Cristian : C'est un gros bourg avec une rue principale aux maisons alignées et une église fortifiée au bord de l'eau. De gigantesques nids de cigognes coiffent les poteaux électriques. Une vieille dame roumaine, au passage d'un petit pont, me croche par le bras, en expliquant que la rue est en travaux (c'est un fait !), et que le bord du trottoir est plus stable. Nous franchissons le pont de concert, en discutant, elle en roumain, moi en français.
Orlat : Joli village saxon paisible et coloré, aux maisons accolées et aux grands portails verts ou marron.
Nous approchons de Saliste : image magique, un jeune poulain à la robe fauve et blanche, galope en tous sens dans le champ, vient vers la voiture et disparaît avant que nous n'ayons pu le filmer. Après Poiana Sibiuliu, nous retournons à la caravane alors que la journée s'achève.

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