Samedi 1 septembre
Très bizarre ce temps ! La nuit il pleut, et le matin
le soleil se lève en même temps que nous !
Col de Prislop (1416 m) : la vue sur les monts Rodnei
- parc classé par l'Unesco comme parc de la biosphère
– s'étend alentour sur les forêts d'épicéas
et de pins. Il fait frais. Dans la vallée qui suit ce
col, un ruisseau serpente au milieu des herbes vertes. Vallée
étroite peuplée de Roms qui vivent dans des tentes
en plastique transparentes, dans des charrettes ou dans des
maisons éventrées sans fenêtres ni portes.
Nous nous arrêtons près d'un pont, au dessus d'un
camp rom, pour faire une photo. Deux minutes plus tard, surgissent
à nos côtés, deux ou trois Roms qui veulent
nous vendre deux énormes champignons, et une gamine d'une
douzaine d'années. Je lui donne quelques bricoles, règle,
stylos et des lunettes de soleil qui ne me vont plus. Elle est
toute heureuse et s'en empare avidement, comme si j'allais changer
d'avis. Plus loin, dans un autre camp au bord de l'eau, des
tentes carrées, transparentes, couvertes de branches
de sapins, laissent échapper la fumée des poêles.
Il doit faire froid la nuit ici. On voit plusieurs petits gamins
entre les tentes, des femmes qui ramassent du bois, quelques
charrettes délabrées.
Voir
mon article sur les Roms sur 100 Détours M@G
Nous longeons la rivière "Bistrita"
depuis des kilomètres, elle serpente dans un écrin
de verdure et la route épouse ses courbes. Des chevaux
broutent sur ses berges. Nous traversons des villages authentiques,
maisons rurales entourées de jardinets, échelonnées
le long de la rivière, clôtures en lattes de bois,
c'est un cadre de verdure apaisant.
Scène rurale : Un tracteur traverse la rivière
en remorquant d'énormes troncs d'arbres. Arrivé
sur l'autre berge, il les dépose et les aligne à
l'aide d'une large pelle fixée à l'arrière.
Des pêcheurs enfilent leur cuissarde, préparent
leur ligne et descendent dans la rivière. Nous restons
là un moment à profiter de ces moments de vie
toute simple.
Nous roulons vers la Bucovine et commençons à
voir des maisons aux façades décorées de
frises.
Pause-déjeuner dans un petit coin d'herbe au bord de
l'eau. Chouette ! Par contre, la suite, plus galère !
La route est en travaux sur des kilomètres et nous roulons
à 20 à l'heure dans une poussière du diable.
Quand on s'arrête, des gamines roms viennent mendier à
la portière. On voit des femmes assises sur le bord de
la route dans la poussière avec des bébés
de quelques semaines. Quelle misère ! Et quelle exclusion
!
Sur le bas-côté, on les reconnaît tout de
suite. C'est une minorité d'origine ethnique différente,
plus bruns, plus basanés, plus miséreux. D'origine
indienne, ils se sont répandus en Europe vers l'an 1000
après avoir erré à travers l'Iran, la Turquie
et traversé le Bosphore. Ils sont les seuls à
mendier dans le pays, ils demandent de quoi manger aux portières
des voitures arrêtées.
Après quelques achats à Campulung, nous prenons
la route de Moldovita et tournons en rond pour trouver un camping
et pour finalement nous embourber dans celui qui nous a été
indiqué par un Roumain parlant français. Nous
repartons aussitôt, aidés par quelques hommes,
qui poussant, tirant, nous sortent de ce bourbier.
Arrêtés au bord de la route pour photographier
une charrette, nous sommes interpelés par un vieux couple
qui nous écrit son adresse afin qu'on lui envoie la photo.
Hélas, l'écriture n'est pas très lisible,
et je ne comprends pas bien ce qu'ils ont écrit.
Après quoi, nous visitons le monastère de Moldovita,
recouvert de belles fresques dedans comme dehors, dans une gamme
d'ocre, rouge, jaune et bleu. Puis nous trouvons un endroit
pour passer la nuit dans la nature. Un Rom vient nous proposer
deux œufs peints de Bucovine, il insiste, et semble dire
que c'est pour manger. Je finis par les lui acheter pour qu'il
s'en aille, et nous pouvons finir de nous installer tranquillement.
Dimanche 2
Nous voilà à Sucevita, dans un minuscule camping
à 3 ou 4 km du village. Le temps est gris, humide, il
a plu cette nuit, mais ce matin le soleil ne s'est pas levé
en même temps que nous.
Dans l'après-midi, nous allons voir les différents
monastères de la région, d'abord celui de Voronet
qui présente sur sa face ouest, une grande fresque du
jugement dernier et sur la face sud l'arbre de Jessé
(arbre généalogique du Christ) sur un fond bleu,
le bleu de Voronet obtenu à partir d'une poudre de lapis-lazuli.
A côté des dessins de la vie de Saint Nicolas,
Saint Jean le nouveau et quelques portraits de philosophes...
L'intérieur comme celui de Moldovita est entièrement
recouvert de fresques. Ensuite le monastère de Humor
(Gura Humorului) nous accueille. Les couleurs sont vraiment
abîmées, et même sur une face, complètement
effacées. L'intérieur est en réfection.
On aurait pu passer à côté, sans regrets.
Sur la route, nous observons l'habitat. Par ici, peu de toits
en tuiles, mais plutôt de la tôle brillante, du
bois ou du fibrociment brut ou peint en bordeaux. Les maisons
s'alignent le long des routes. Derrière chacune d'elles,
se trouve un bâtiment, sorte de remise pour la paille,
les outils, les poules aussi sans doute. En effet, dans toutes
les cours, se promène la volaille en liberté.
Un tas de bois et un mini-potager complètent généralement
l'ensemble.
Village d'Arbore : Une dame m'ouvre sa barrière
pour que je puisse photographier plus facilement sa maison en
bois, où des dizaines de pigeons ont élu domicile.
Dans la longue rue du village, nous nous arrêtons encore
pour photographier quelques maisons et granges en bois, dont
les entrées se détachent en couleurs pastels.
Ce village est très plaisant. De loin, avec mon zoom
400, je prends un village de roms, mi-maison, mi-campement,
avec chevaux, charrettes et gens qui palabrent près de
la barrière fermant ce village. Malgré la distance,
quelques gamins accourent. Ils demandent des bonbons, je leur
donne des stylos !!! Comme ils veulent être sûrs
qu'ils fonctionnent, je dois les essayer devant eux. Ils sont
trois garçons et une fille. Soudain un garçon
vole celui de la fille, et se sauve. Jean Paul donne de la voix
et sort de la voiture, avec l'air assez en colère pour
que le stylo retourne à sa destinataire.
Lundi 3
Il fait encore gris ce matin. En France, c'est la pré-rentrée
! Sans moi ! Aujourd'hui, nous allons à Radauti, faire
quelques courses, poster les cartes et voir… le bazar,
façon Afrique du Nord, situé près de la
poste, le quartier juif avec ses maisons basses alignées
le long de la ligne de chemin de fer et le super-marché.
Voilà le soleil !
Par ici, les maisons sont très colorées, avec
des reliefs tout autour et de jolies décorations. La
plupart sont en L, le retour du L, étant plutôt
une sorte de bâtiment-remise. Dans les champs, hommes
et femmes à genoux dans la terre ramassent les pommes
de terre, une bassine près d'eux qu'ils vident dans la
charrette.
Nous croisons un enterrement. Les gens marchent à pied,
par deux, portant une couronne de fleurs entre eux. Il y a aussi
une couronne entourée d'oranges. Les femmes en noir suivent
en chantant, puis arrive une camionnette avec un plateau ouvert
à l'arrière sur lequel repose la morte, une vieille
femme couchée là, bien visible de tous, sans le
moindre cercueil.
Dans l'après-midi, le temps redevient gris, mais cela
ne nous empêche pas d'aller visiter le monastère
de Sucevita, le plus beau de tous. Les murs intérieurs
et extérieurs sont couverts de centaines de scènes
et de visages. L'originalité de Sucevita tient à
l'échelle des vertus peinte sur le mur nord, échelle
dont on doit gravir les échelons après la mort.
Chaque degré est une vertu. Celui qui commet un péché
est entraîné vers le bas par les démons.
En haut, c'est le royaume de Dieu. On voit sur la même
paroi, l'illustration de la genèse. Sur l'abside, se
découvre la grande procession dont les personnages se
dirigent vers l'autel au centre, où domine le Christ.
Sur le mur sud, on retrouve l'arbre de Jessé déjà
vu dans les autres monastères et l'hymne acathiste (prière
à la vierge). En bas, ce sont les philosophes, dont Platon,
un cercueil sur la tête pour indiquer qu'il méditait
souvent sur la mort.
L'intérieur tout en fresques et en dorures est baigné
d'une douce lumière. On se croirait dans un écrin
précieux. Une enfilade de portes permet de passer d'une
pièce à l'autre, et d'entrer finalement au cœur
de l'édifice, le plus richement décoré.
Dans le pronaos, un calendrier (le ménologe) illustré
d'anecdotes, est constitué d'images dont chacune représente
un jour de l'année et le saint qui lui correspond. Sous
la coupole, est peint le concile oecuménique. Dans le
naos, trône un tableau caractéristique des églises
moldaves, c'est le fondateur de l'église qui remet sa
maquette au Christ.
Nous rentrons en faisant un détour par Voievodeasa, village
aux maisons colorées.
En fin d'après-midi, nous retournons au monastère
de Sucevita, pour déchiffrer les fresques, après
avoir lu les explications du Routard. Puis nous grimpons sur
la colline attenante, au coucher du soleil, pour admirer le
monastère de haut.
Mardi 4
Ce matin, en France, c'est la rentrée des classes. J'ai
une petite pensée pour mes collègues et amis qui
reprennent le boulot. J'imagine M.F. à ma place dans
ma classe. Jusqu'alors, j'étais en vacances, aujourd'hui
4 septembre, je suis en retraite.
Nous quittons le camping pour nous rendre à Dragormina
par Radauti et Suceava. La route est toujours très animée,
charrettes, vélos, cantonniers à pied et petits
étals devant les barrières pour vendre quelques
tomates, pommes de terre, aubergines. Ici, c'est la saison de
la récolte des choux blancs. On en voit des charrettes
pleines qui se dirigent vers un point de vente. Ici ou là,
quelques vendeurs se rassemblent et vendent leurs choux, en
vrac, en sacs, il y en a des tas énormes.
Monastère de Dragormina : Celui-ci est tout à
fait différent. Pas de fresques extérieures mais
de très hauts murs, bien plus hauts qu'on pourrait s'y
attendre par rapport à sa longueur. C'est un bloc massif
et ovale entouré d'épaisses murailles. La pierre
du clocher est gravée de motifs ornementaux. Les fresques
intérieures sont sombres. Je l'ai trouvé beaucoup
moins chaud et intime que celui de Sucevita.
Nous repartons… charrettes pleines à ras bord d'épis
de maïs, de pommes de terre, de pieds de maïs débordant
largement de chaque côté, curés en soutane,
ramasseurs de pommes de terre, enfants qui nous saluent de la
main…
Les villes que nous traversons ensuite, en prenant la nationale,
Suceava, Falticeni, sont d'un triste ! Murailles d'immeubles
hauts et massifs, alignements de blocs de béton, l'héritage
de Ceausescu ! L'école ne semble pas encore avoir repris
ici, toutes les classes sont désertes, et les gosses
dans les champs, ou dehors.
La Bucovine est maintenant derrière nous et nous nous
dirigeons vers la Transylvanie méridionale en traversant
les Carpathes. Nous arrivons à 17 heures à Bicaz,
au sud d'un joli lac. Nous comptions trouver un camping où
laisser la caravane et demain faire le tour du lac en voiture.
Mais pas de camping par ici ! Pas d'endroit dans la nature non
plus ! Nous attaquons le tour du lac, en espérant trouver
un coin. Rien ! 44 kilomètres plus loin, nous sommes
au bout, la caravane toujours en remorque ! Nous entamons l'autre
rive, espérant au moins trouver un endroit pour la nuit,
demain il fera jour ! Après 10 kilomètres, plus
de route ! Détruite par les pluies, de je ne sais quand
! Demi-tour, retour au bout du lac, nous essayons une autre
route qui s'éloigne du rivage… 7 ou 8 kilomètres,
toujours rien ! Demi-tour ! Nous reprenons la direction de Bicaz
d'où nous sommes partis, et nous arrêtons sur un
bout de terre-plein caillouteux et boueux, pour dîner
et dormir. Il est 20 h 30, la nuit vient de tomber. Quel périple
!
|