Mardi 12 et mercredi 13
juillet
Route vers Grado en Italie.
Jeudi 14 juillet
Nous arrivons vers 16 heures à Grado, au chantier où
Bruna, la jeune femme du bureau, me reconnaît, car nous
sommes déjà venus l'an dernier. Très vite,
le bateau est à l'eau. Mais le moteur, pourtant en bon
état de marche refuse de démarrer.
Rien n'y fait ! Finalement, nous faisons appel à un mécanicien
du chantier qui après avoir vérifié les
mêmes choses que Jean Paul, découvre dans l'essence
des dépôts qui bouchaient un tuyau. Il est déjà
tard quand nous allons acheter les provisions. Le magasin ferme
à 20 heures, nous n'avons pris que l'essentiel. Le mât
n'est pas encore dressé, il faisait beaucoup trop chaud,
même à la nuit et la journée a été
suffisamment longue.
Vendredi 15 juillet
Levés à 8 heures, pour mâter à la
fraîcheur du matin, nous avons juste le temps de déjeuner
avant que n'éclate un orage... La pluie nous oblige à
patienter deux heures avant de pouvoir mettre le nez dehors.
Finalement à midi, mât, bôme et grand-voile
sont en place, l'intérieur presque fini d'aménager,
bouquins, provisions, rangements divers. Vu les nuages noirs,
les gouttes chaudes, le vent, nous décidons de rester
à Grado, ce soir. Cela nous permettra de compléter
nos provisions commencées à la va-vite, hier.
Nous en profitons pour nous balader dans la ville aux couleurs
de la fête de la lavande.
Samedi 16 juillet
Après cinq heures de mer avec le vent de face et le bateau
qui ne gîte pas du tout malgré la voile, et qui
de ce fait roule bord sur bord, nous arrivons à Novigrad,
dans l'après-midi.
Amarrés à la digue d'entrée, nous nous
rendons à pied à la police du port, pour remplir
les papiers obligatoires. Aussi désagréable que
la femme de l'an dernier, le flic "c'est moi le chef qui
commande" exige qu'on vienne avec le bateau et non à
pied. Nous retournons donc à l'autre bout du port désamarrer
Cap Sounion, demandons qu'on nous garde la place et accostons
au quai de police, où personne ne vient jeter même
un petit coup d'oeil au bateau. Pauvre type, petit "chefaillon"
de rien du tout ! Ensuite il faut faire la queue pour payer
148 euros de taxes diverses et droits de navigation. De retour
à notre place au quai, nous allons faire un tour en ville
et rentrons dîner tandis qu'un groupe dispense une musique
cool, tout près du port.
Dommage, on ne l'a pas entendue longtemps. Nos voisins ont hurlé
toute la soirée, d'abord dans l'eau, puis sautant, dansant
et chantant autour d'un accordéon qui jouait à
fond.
Etonnant sans-gêne que de faire fi de tous les occupants
des bateaux alentour, jusqu'à 1 heure du matin !
Dimanche 17 juillet
Nous ne sommes pas certains de quitter Novigrad aujourd'hui.
Beaucoup de vent cette nuit, et ce matin la mer moutonne et
éclabousse la jetée.
Décidant d'attendre et de voir venir, nous nous rendons
dans la ville jusqu'au petit marché de fruits et légumes.
Nous marchons en cherchant l'ombre, car le soleil est déjà
chaud. Nous avons quitté la mer des yeux pendant une
demi-heure. Au retour, mer et ciel ne forment plus loin qu'une
masse cotonneuse gris sombre; nous nous asseyons un moment à
regarder les moutons qui forcissent. A peine ai-je dit "il
va pleuvoir avant ce soir", qu'une large goutte d'eau s'écrase
sur moi. Nous nous levons d'un seul bond et courons vers le
bateau qui se trouve à 300 mètres à peu
près, car la pluie soudaine s'abat sur nous tandis que
les vagues débordent la jetée, l'inondent et nous
aspergent au passage. Nous voilà à l'abri, un
peu humides, mais pas trempés !
Tandis que des trombes d'eau lavent le bateau, le taud et constellent
la surface du port de myriades d'impacts... Plus de soleil,
plus d'ombre, rien qu'une grande nappe de brouillard grise !
Après le déjeuner, le temps s'éclaircit,
le vent souffle sans s'épuiser et nous restons à
lire dans le cockpit. J'en profite pour faire prendre l'air
à ma guitare. Vers 19 h 30, nous nous mettons en quête
d'un restaurant dans la ville.
Lundi 18 juillet
Après une nuit ventée, pendant laquelle j'ai cherché
la cause du vrombissement qui m'empêchait de dormir (la
balancine tendue par l'attache du taud) et enroulé ce
même taud autour de la bôme pour l'empêcher
de claquer violemment, nous avons ouvert les yeux sur une mer
pas encore calmée.
Balade dans la ville, où j'achète des cevapcici
(spécialité croate) pour ce soir... Mais pour
gagner le centre et les commerces, il faut se faufiler entre
les vagues qui s'écrasent sur la jetée, trempant
tout.
Quand la marée descend — il y a un marnage de 40
cm ici — on peut atteindre le bout de la digue sans encombres.
Finalement, entre bricolage, lecture et guitare, ce soir nous
sommes toujours à Novigrad. Et comme les autres jours
et comme l'an dernier, un groupe (jamais le même) joue
de bons morceaux à la terrasse d'un café situé
sur le quai.
Dans la nuit, le vent forcit et il faut de nouveau plier le
taud et détendre les amarres car le bateau rappelle durement.
Des heures durant, ça cogne, ça tape et les pare-battage
grincent sans cesse contre la coque... Un vrai barouf du diable
qui m'empêche de dormir.
Mardi 19 juillet
Nous avons enfin pu quitter le port. En principe, on avait décidé
d'aller jusqu'à Rovinj, à 15 milles de là,
mais vu le retard pris à Novigrad et comme la mer est
calme, nous poussons jusqu'à Pula où nous passons
la nuit au mouillage. Calme et silence, le bateau ne bouge pas,
ça change du chaudron de sorcière de la nuit dernière.
A minuit, grand coup de vent d'une demi-heure assez incompréhensible
! Les rafales sifflent dans le mât, le bateau tourne sur
l'ancre et soudain c'est fini.
Mercredi 20 juillet
Dès le réveil, le vent qui pourtant s'était
apaisé cette nuit, se remet à souffler en grandes
bourrasques. Le ciel est rempli de cumulus gris. Nous attendons
de voir l'évolution de la météo dans la
journée.
Midi... il pleut, il pleut, averses d'orage !
Dans l'après-midi, le soleil réapparaît,
mais trop tard pour aller à Essor ou Unije, l'une de
nos prochaines étapes, distantes d'au moins 30 milles,
c'est à dire plus de six heures de mer.
Nous n'avons pas eu d'électricité depuis samedi,
donc pas moyen de recharger lecteur MP3 ni le téléphone
portable. Je ne l'allume donc que le soir pour voir si j'ai
un sms de mes amis ou de la famille, afin d'économiser
la batterie. Pour la lumière, nous sommes sur batterie
et là pas de problème, c'est le moteur qui recharge.
Ce soir, c'est le grand calme, le bateau immobile, plus de vent,
plus rien que les senteurs de pinède au soleil couchant
qui allume des flammèches dans la baie paisible ! Pourvu
que ça dure !
Jeudi 21 juillet
Nous partons vers 10 heures et faisons halte pour déjeuner
dans une anse proche de la pointe Kamanjak, à l'extrémité
de l'Istrie, avant d'atteindre Unije à 18 heures. Toutes
les bouées du mouillage, nombreuses, sont déjà
occupées. Nous devons jeter l'ancre à l'entrée
de la baie. En annexe, nous gagnons le débarcadère
puis traversons l'île par un chemin qui franchit la colline.
Unije est à nos pieds, village perdu face à la
mer... Une épicerie, quelques konobas, rien de plus !
Nous rentrons à bord et allons mouiller dans une autre
échancrure mieux abritée. Mais, encore cette nuit,
le vent se lève. De gros nuages ont envahi le ciel, des
éclairs illuminent la baie et les rafales soulèvent
des vagues dans le mouillage. Le bateau cramponné à
son ancre résiste et tangue.
Décidément le temps est bien capricieux cette
année, plus souvent mauvais que bon !
A une heure du matin, des bruits bizarres du côté
de l'ancre, nous font jaillir de notre lit, au milieu des éclairs,
tels deux diables d'une boîte. La violence des rafales
a fait déraper l'ancre, les rochers se sont sérieusement
rapprochés et bien sûr il pleut à seaux.
Le ciré enfilé par-dessus le tee-shirt de nuit,
me voilà au moteur au milieu de la nuit, éclairant
la surface de l'eau avec la torche, pour nous éloigner
du rivage, tandis que Jean Paul en pyjama et ciré, relève
l'ancre pour la relancer plus loin. Finalement, une fois qu'on
a été bien trempés et dégoulinant
partout, claquant des dents dans le ciré glacé
à même la peau, le vent a baissé d'un ton,
content de son oeuvre. Il ne nous reste plus qu'à nous
sécher et à être secoués tant que
les vagues ne se seront pas aplaties.
Vendredi 22 juillet
Levés tard, après la nuit agitée (je me
suis endormie à 6 heures environ, il faisait grand jour),
nous avons pris la mer en début d'après-midi pour
atteindre Ossor avant 17 heures, heure à laquelle le
pont tournant pivote, ouvrant le passage vers les îles
et la mer tranquille.
Ce soir, nous sommes dans le petit port de Nerezine où
nous avions déjà fait escale l'an dernier. De
retour du restaurant, nous espérons une nuit tranquille.
Samedi 23 juillet
Nerezine... le port est très mignon et paisible. La matinée
passe vite, quelques courses et c'est déjà midi.
Nous avons projeté ce matin d'aller dans le mouillage
de Majiska, au sud de Crès, mais voilà que le
ciel se remplit de nuages noirs, il tonne, les moutons habillent
la mer pourtant relativement protégée.
Attente... indécision... On va différer le départ
pour voir, mais il ne faudrait pas partir tard car l'anse la
mieux abritée du mouillage est très petite et
en fin de journée, elle sera pleine. Avec les orages
et les 30 à 40 noeuds de vent annoncés pour la
nuit, on ne peut pas prendre le risque de mouiller si on n'est
pas parfaitement abrités.
En fin de compte, on est resté à Nerezine, on
a essuyé encore un orage, une grosse averse et puis le
ciel a repris du bleu, alors on est allé se balader à
pied.
Dimanche 24 juillet
Levés tôt, nous gagnons au sud de l'île de
Crès, la minuscule baie abritée d'Ul, mouillant
à proximité d'un petit quai qui nous permet d'aller
à terre facilement. Le ciel est plombé de gros
cumulus noirs au nord, mais ici nous sommes sous le soleil et
le ciel en partie bleu.
En début d'après-midi, j'attaque un grand rangement
à l'intérieur... réorganisation des coffres
et des placards pour un accès plus facile... l'objectif
n°1 étant de pouvoir atteindre la guitare rangée
dans la couchette cercueil sur le radeau et derrière
le frigo, sans avoir à déménager les trois
bidons d'eau, la bouteille de gaz, les deux caissettes de fruits
et légumes !!!
Pendant ce temps, Jean Paul bricole dans ses coffres extérieurs
A la suite de quoi, nous nous rendons au hameau situé
à 800 mètres de la baie, sans penser qu'aujourd'hui
c'est dimanche et que pour le pain, et bien ce sera demain !
En chemin, nous rencontrons un couple de daims et leur petit,
à l'abri sous les taillis et bientôt la pluie nous
accompagne. Longer les oliviers et les figuiers ne nous abrite
guère... La balade se finit à grandes enjambées.
Nous restons enfermés jusqu'à l'heure du dîner...
Il ne fait même pas chaud. Soudain vers 20 h 45, le vent
se lève juste face à la baie pourtant bien protégée.
Une énorme masse nuageuse gonfle la mer au loin et les
vagues se glissent par l'ouverture entre les deux collines.
Le bateau se met à tanguer. Comme nous sommes à
l'ancre mais aussi attachés au quai, nous courons le
risque que dans la nuit, la montagne de nuages ne nous survole,
déclenchant de violentes rafales et si l'ancre chasse
comme l'autre nuit, on va droit dans le mur ! Comme il fait
encore jour, nous détachons tout, remontons l'ancre et
allons nous amarrer à un autre petit ponton mieux protégé,
mais très encombré de barques locales. Ayant réussi
à nous glisser en bout de quai, près d'un bateau
à moteur, nous sommes mieux protégés. Entre
temps, la nuit est tombée, il est 21 h 30.
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