Samedi 31 juillet
Dans la nuit, le vent et les averses se sont apaisés.
Mais nous partons quand même ce matin sous une pluie fine
et pénétrante, harnachés de pied en cap
avec les cirés. Moins d'une heure après, le soleil
perce le plafond gris et pose quelques touches de bleu ici ou
là. La mer est plate, pas un souffle de vent... Le moteur
ronronne. Blandine et Alain sont à Umag; nous, nous entrons
dans les Kornati, sauvages, lunaires.
Au loin, quelques dauphins évoluent
à l'inverse de notre route, trop loin pour être
photographiés. Le soleil s'est caché de nouveau,
il fait froid. Nous arrivons dans la baie de Landin vers 14
heures sous un soleil timide et pâlot.
Après-midi tranquille, joli coucher de soleil ! Quelqu'un
en barque vient nous faire payer pour le mouillage ! Nous espérons
l'arrivée de Marafaniou, mais la mer est difficile aujourd'hui
dans le nord et nos amis décident de passer la nuit à
Ossor après avoir bataillé pas mal entre Pula
et Ossor.
Il est 21 heures, nous nous mettons donc à table après
avoir reçu leur sms. La nuit tombe, très calme,
les cigales sont couchées, Cap Sounion est parfaitement
stable. La baie est lisse comme un miroir.
Dimanche 1 août
Journée mouillage... Lecture... Brise solaire assez fraîche
l'après-midi, mais le mouillage est bien protégé...
Ça ne bouge pas... Marafaniou arrive à 19 heures,
nous l'avons aperçu dès son entrée dans
la baie. La VHF crépite :
- "Marafaniou appelle Cap Sounion : où êtes-vous
?
- Cap Sounion appelle Marafaniou : on est droit devant vous
!"
Retrouvailles... Blandine, Alain, Valentin et Marie nous racontent
les péripéties de leur voyage, leur sortie à
Grado aussitôt suivie du retour au port, la mer qui tapait
et mouillait, la traversée entre Pula et Ossor, très
inconfortable, la nuit à Ossor et finalement la dernière
partie du voyage aujourd'hui, beaucoup plus agréable.
Nous voilà donc tous réunis pour deux petites
semaines. Nous passons la soirée ensemble sur la terrasse
de la maisonnette cachée sous les oliviers, qu'ils ont
louée.
Lundi 2 août Cet
après-midi, nous embarquons tous sur Marafaniou et filons
vers les Kornati. Décor rude et superbe ! Nous nous baignons
dans une eau turquoise, au milieu de nulle part. Après
quoi, nous avançons d'île en île dans les
Kornati. Vers la fin de la balade, Blandine, Valentin et Marie
s'offrent un petit plongeon supplémentaire, juste avant
le retour vers Beograd où nous achetons des provisions
pour les jours à venir. A Landin, il n'y a pas la moindre
boutique !
En fin de journée, la mer lance des reflets roses, le
ciel rougit et teinte les Kornati au loin. Nous rentrons tard
et dînons encore plus tard sur la terrasse tous ensemble.
Soirée sympa !
Vers minuit et quart, nous retournons à l'annexe pour
regagner le bateau ancré à une dizaine de mètres
du ponton où est attaché Marafaniou. Je grimpe
la première dans l'annexe mais comme elle est trempée
de rosée, j'essaie d'essuyer le plus gros avec un chiffon,
et là je perds l'équilibre à cause du cordage
qui retient Cap Sounion à la terre... Et me voilà
dans l'eau (fraîche et noire), toute habillée !
Crise de fou rire ! Ça glisse, difficile de remonter...
J'enjambe le bord et bascule de nouveau... Ça glisse
toujours autant et Blandine rit de plus belle. Moi aussi ! Finalement,
je me rétablis à bord, Jean Paul monte à
son tour et nous rentrons sains et saufs, mais moi très
mouillée !
Mardi 3 août
Nouvelle journée dans les Kornati, cette fois avec le
pique-nique. Marafaniou nous emmène prestement entre
les îles. Nous accostons dans un minuscule port privé
inoccupé et déjeunons sous un figuier. Baignade,
lecture, repos dans un petit coin de rêve... Après
quoi, nous vagabondons à petite allure entre les îlots...
Petit arrêt dans un café au nord de l'îlot
Katina... Les Kornati, c'est un paysage étonnant, à
la beauté sauvage... Les couleurs du soir allument des
reflets chauds sur ces montagnes baignant dans l'eau transparente.
Nous rentrons avec un peu de vent et dînons ensemble à
la Konoba voisine sous les oliviers au dessus de la baie de
Landin. Nous passons un bon moment ensemble mais que les frites
sont molles et grasses, et les sardines salées ! La konoba
ne restera pas dans nos souvenirs comme un modèle de
gastronomie... De retour au bateau, il fait chaud dans la cabine
et le temps couvert laisse présager de l'orage.
Mercredi 4 août
Aujourd'hui nous voulions aller à Skradin, aux chutes
de la Krka, mais le temps gris a effacé les couleurs.
Jean Paul et moi restons dans la baie de Landin tandis que Marafaniou
et ses occupants font une escapade à Beograd pour quelques
courses.
Vers 15 heures, nous partons tous les six sur Cap Sounion pour
naviguer un peu à la voile car il souffle un bon petit
vent. Nous n'allons pas bien loin, juste dans la baie d'à
côté à Uvala Zincena, en tirant quelques
bords. Après la baignade, Alain et Valentin prennent
la barre à leur tour. A six dans le cockpit, c'est un
peu encombré mais ça n'en est pas moins joyeux.
Les manœuvres et les virements de bord sont une franche
rigolade, car nous sommes au vent arrière et tout le
monde s'aplatit de concert pour passer sous la bôme qui
change de bord.
Après quoi, nous rentrons à Landin et passons
la soirée ensemble.
Jeudi 5 août
Une longue journée !
Vers 9 h 45, nous partons sur Marafaniou, pour les chutes de
la Krka à Skradin... 22 milles en mer et environ 11 milles
sur la rivière pour atteindre les chutes... Il fait beau;
dans un paysage de rêve, nous voguons d'île en îlot,
découvrant de jolis villages à droite, à
gauche. Nous longeons Murta sur tribord, le littoral croate
sur bâbord. Un petit pont nous permet de passer sous la
route qui relie l'île à la terre... Marafaniou
passe tout juste dessous.
Un peu plus tard, Sibenik se profile au fond de la baie, nous
nous engageons alors dans la rivière et c'est un bonheur
de naviguer entre les rives proches, au fil des méandres,
jusqu'à ce qu'apparaisse Skradin...
Une marina accueille les bateaux, il est interdit
de s'approcher des chutes par ses propres moyens, il faut emprunter
une navette qui nous conduit au pied des cascades. Autrefois,
nous avions pu les approcher en annexe, mais c'est impossible
désormais. Voici les chutes ! Impressionnantes comme
nous les avions vues en 1983
! Baignade pour Blandine, Marie et Valentin... Jean Paul et
moi grimpons un peu plus haut pour découvrir la seconde
série de cascades qui bouillonnent en se jetant dans
de jolis lacs vert-bleu. A 17 h 15, nous prenons la navette-retour
et retrouvons Marafaniou qui nous a attendu sagement au port.
Retour par la rivière... Un sauteur à l'élastique
s'élance du haut du grand pont qui enjambe la Krka. Sibenik...
Plein d'essence... Valentin nous signale alors une sombre barre
nuageuse au fond du paysage.
Nous quittons Sibenik avec les embruns de plein
fouet et bientôt les vagues dans lesquelles nous tapons
durement... Il faudra attendre la couverture de l'île
de Murter pour retrouver un semblant de confort sur Marafaniou
qui reprend de la vitesse dès que la mer retombe un peu.
Le crépuscule arrive, les villages s'illuminent, c'est
beau. Même s'il y a moins de vagues derrière Murter,
la mer n'est cependant pas apaisée. On est mouillé,
trempé, venté... Jean Paul et moi n'avons pas
pris nos cirés... La serviette de bain qui me sert de
protection est bientôt à tordre. Blandine et les
enfants sont assis dans la flaque d'eau provoquée par
l'écoulement de leurs cirés. Tout ça n'est
guère confortable.. La nuit tombe, les feux s'allument,
toujours du vent, des vagues, d'autant qu'on est sorti de la
protection de Murter maintenant. Le ciel d'encre se confond
avec le littoral et la mer. D'ordinaire, quand la nuit est belle,
on différencie sans peine la côte du ciel, mais
là on ne voit rien. Des éclairs zèbrent
le lointain. A trois milles de Landin, Jean Paul et Alain pensent
qu'il ne serait pas prudent d'aller se glisser dans le noir
entre la pointe de Pasman, l'îlot qui fait face et les
cultures piscicoles. Par mesure de sécurité, ils
décident d'aller à Beograd qu'on voit éclairé
devant nous, à trois ou quatre milles de là.
A 23 heures, nous débarquons pour chercher un hôtel.
Les trois premiers sont complets. Au troisième, (l'hôtel
"Bolero") Blandine demande s'il serait possible de
téléphoner pour savoir s'il y a quelque chose
de libre dans la ville. Il est déjà minuit.
Le veilleur de nuit, charmant, accepte. Il
appelle tous les hôtels de Beograd... Complets... Il nous
propose de tenter notre chance à Vodice mais je lui explique
alors qu'on est à pied, qu'on arrive de Sibenik dans
un petit bateau... Blandine ajoute qu'ils ont une location à
Landin mais qu'on ne peut pas y retourner de nuit, sans lumière.
Le patron de l'hôtel et son fils Manolo se joignent à
la recherche... Tout le monde s'active... Mais il n'y a rien
de disponible nulle part. Finalement Manolo propose de nous
laisser sa chambre pour la nuit, dans sa maison derrière
l'hôtel. On nous prépare à dîner au
restaurant, soupe (bienvenue, ça réchauffe), concombres,
brochettes, riz, fromage, pommes... Un festin !
Le repas terminé, il nous est impossible de payer...
Refus catégorique !
"You 're sailors with a big problem, and we must help you"
(Vous êtes des navigateurs avec un gros problème
et nous devons vous aider) disent-ils.
On nous emmène à la chambre. Quatre matelas ont
été préparés pour nous six. On nous
a même allumé la télé croate. On
s'organise pour la nuit, enfin ce qu'il en reste, car il est
1 h 30. Nous avons eu de la chance de rencontrer des gens aussi
serviables et sympas. Pour la chambre, ils refusent encore qu'on
paye quoi que ce soit. Tout le monde installé, après
quelques fous rires, chacun s'endort plus ou moins vite.
Vendredi 6 août
A 8 heures, nous émergeons. La mère de Manolo
nous apporte un café dans la cour, quant à lui
il vient nous saluer avant de partir pour Dubrovnik. Le temps
est meilleur qu'hier. Après avoir grignoté quelques
viennoiseries en ville et nous être arrêtés
à une terrasse de café, nous remontons sur Marafaniou.
Six milles nous séparent de Landin. La mer est calme,
le ciel serein et nous avons le plaisir d'apercevoir quelques
dauphins. A midi, nous retrouvons Cap Sounion à l'ancre,
paisible, attendant notre retour. Nous passons l'après-midi
à bord, à l'exception d'une courte balade jusqu'au
sommet qui domine d'un côté la baie de Landin et
de l'autre celle de Zincena, tandis que "ceux du Marafaniou"
vont faire un tour en mer à petite allure.
Soirée sur la terrasse, c'est la dernière... Dommage,
ce super petit coin à quelques encablures des Kornati
était tranquille et beau. Nous y avons passé de
bons moments, tous ensemble sur l'un ou l'autre des deux bateaux,
avec de grandes rigolades, de la bonne humeur, des journées
animées dans des décors superbes, sauvages Kornati,
remontée de la rivière Krka, cascades de Skradin,
passage entre Murter et le littoral au milieu des îlots,
soleil éclatant, mer d'azur... et de grandes soirées
à terre, sur la terrasse camouflée au milieu des
oliviers, à quelques pas du ponton où était
docilement amarré Marafaniou, tandis qu'à quelques
mètres, se prélassait Cap Sounion, dans l'eau
parfaitement immobile de la baie de Landin. Demain, nous partons
tous pour l'île de Pag, plus au nord.
|