Lundi 8
Susak : village aux ruelles étroites, les véhicules
sont des brouettes ou des charrettes à bras, certaines
attelées derrière un vélo.
Toutes les vieilles de Susak, et quelques jeunes portent le
costume du pays. Nous achetons des poires à deux grands-mères
en costume régional, je les photographie, et aussitôt
l'une des deux me demande : "dinars… dinars…photos…
dinars…" Je lui donne dix dinars et l'autre sur le
champ de réclamer; "et moï… et moï…
?"
Je ne trouve que 5 dinars de monnaie pour elle, mais ça
doit lui suffire car elle me gratifie d'un sourire. L'une vendait
ses poires, l'autre fabriquait sur une forme en bois, un chausson
comme elles en portent par ici.
Ensuite, nous assistons à l'arrivée du bateau
de ravitaillement. Les provisions sont descendues sur les charrettes,
quantité de pains, pastèques, choux, les valises
sont convoyées elles aussi sur des charrettes plus petites,
et toute la foule s'écoule dans le village, de retour
de l'île voisine, de la ville de Mali Losinj, ce qui a
nécessité d'endosser les costumes les plus jolis,
aux couleurs chatoyantes, tandis qu'on a laissé pour
un jour, la tenue plus sombre, noire ou grise qui est de rigueur
sur l'île.
A l'ouverture de l'unique "MARKET", une longue queue,
à laquelle nous nous incorporons, se forme. Le pain,
comme l'eau et la viande sont difficiles à trouver. Si
on attend trop, il n'y a plus rien !
22 heures : A peine un souffle de vent, les étoiles veillent
sur ce joli port, les bateaux sont si serrés, qu'on ne
pourrait glisser un doigt entre les pare-battages, et pourtant
une grande paix s'installe après les cris de la fin de
l'après-midi… quelque part sur un bateau, quelqu'un
s'est mis à jouer de l'accordéon, un air un peu
mélancolique, un air du soir, à l'heure où
l'on n'a plus envie de bruit, mais pas encore envie de dormir
et l'on aimerait qu'il ne s'arrête pas, qu'il nous berce
de sa douce musique, sous la voûte noire piquetée
d'étoiles. Toute la mélodie emplit le port, à
peine quelques murmures de voix au loin, fermer les yeux, et
écouter… écouter… Il semble maintenant
que cet accordéoniste n'ait plus le droit de s'arrêter
de jouer, car ce n'est pas pour lui seul qu'il joue, mais pour
toute une flotille de bateaux, qui a tout oublié alentour,
pour écouter de concert la même musique.
Mardi 9
Veli Losinj : L'approvisionnement en eau est difficile, Il nous
en manque 30 litres pour avoir le plein. Cela signifie que nous
sommes juste à moitié, mais de l'eau, il n'y en
a nulle part. Heureusement, nous rencontrons au détour
d'une ruelle, un homme qui arrose son jardin, il accepte de
remplir nos bidons ! Sauvés !
Dans la soirée, nous allons flâner dans la pinède,
nos pas nous emmènent jusqu'au port voisin : Rovenska.
De retour au bateau, la soirée s'achève avec un
air de guitare qui accompagne le brouhaha de la foule le long
des quais.
Mercredi 10
Ce soir, c'est la trompette qui résonne au mouillage
du sud de l'île de Silba, tandis que nous faisons des
crêpes dans le crépuscule, avec tout autour de
nous, des gens qui se baignent, qui mangent, ou qui se promènent
en pneumatique, à la rame.
Tout à l'heure, nous irons faire un tour dans la pinède,
mais en ce moment, le jour qui s'éteint tout doucement,
fait place à la nuit, la trompette continue de bercer
les bateaux, les gens applaudissent, crient des encouragements
en allemand, c'est encore une belle soirée paisible,
enchantée par la musique…
Je reprends la plume après notre petite promenade non
pas à pied mais en annexe, sur le plan d'eau calme comme
un lac, lisse comme un miroir Dans l'obscurité, les rames
provoquaient des remous phosphorescents dans l'eau sombre, tandis
que la trompette s'étant tue, le calme descendait sur
nous.
Jeudi 11
Nuages gris et lourds, humidité de l'air… Pas de
vent !
Zadar : de l'eau, de l'eau en abondance sur les pontons…
Grande lessive ! Pour laver un bol, j'ai autant d'eau que pour
une vaisselle complète des jours précédents,
et encore depuis deux jours, nous la lavions à l'eau
de mer !
Eau douce à profusion… essence… viande fraîche…
Vendredi 12
Visite de la ville de Zadar, achats sur le marché très
animé, dans lequel Olivier (presque 4 ans) a trouvé
le moyen de se perdre.
L'après-midi, nous allons à Preko (île d'Ugljan).
Le premier voilier que nous apercevons, est un edel 6.60, comme
le nôtre. Il s'appelle "Goéland" et est
basé à fécamp. Ils sont de Colmar, mais
le plus drôle, c'est qu'ils ont acheté leur bateau
à Saint Valery, au ponton des edel (le nôtre).
Incroyable !
Nous avons passé la soirée ensemble, au restaurant,
près des bateaux, à bavarder avec eux, au son
d'un orchestre installé non loin de là.
Derrière la jetée, des pêcheurs au lamparo
sont sortis; à petite distance la côte de Zadar
se dessine, toute en lumière, c'est beau !
Tiens j'ai oublié de parler de la dernière bêtise
d'Olivier ! Il a lancé sa chaussure dans l'eau en voulant
l'envoyer sur le quai. Nous avons passé une heure à
la récupérer avec un hameçon attaché
au bout d'une ligne plombée.
Samedi 13
Preko – Pakostane
Au cours de l'escale de la mi-journée, Vincent a appris
à faire des sauts périlleux dans l'eau, depuis
le pont du voilier.
Au port de Pakostane, une vedette à moteur vient de couler.
Toute la soirée, pêcheurs et villageois s'emploieront
à la remettre à flot, devant une foule curieuse
massée sur le port. Finalement, la vedette sortira de
l'eau tirée par un tracteur…
1 heure du matin : réveil en sursaut, vent à 40
nœuds (force 8), la "bora" nous fait une démonstration
de sa puissance. Nous doublons les amarres à l'avant.
Dimanche 14
Eau bleue-verte, ciel clair balayé par le vent, jusqu'à
42 nœuds… Pour l'instant, nous sommes bien à
l'abri.
Vers 14 heures, nous partons pour Sibenik, là où
se jette la rivière Krka. C'est là que nous mouillerons
après la longue route taillée par Cap Sounion,
avec beaucoup de vent, le bateau gîté docilement
sous les rafales, et filant très vite… Rafales
de force 7, sous un ciel bleu pur, propre, lavé piqué
d'un soleil qui lance ses reflets sur les petits villages…
et la mer qui change sans cesse de couleur, hésitant
entre le bleu, le vert et le violet, mais toujours frangée
d'écume…
Ce soir, de rouge, notre fond céleste, en quelques instants
est passé au violine; peu à peu, tout devient
sombre, il ne manque que quelques minutes pour que la nuit s'étende
partout autour de notre carré qui jette une tache de
clarté sur l'eau calme.
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