dimanche
30
Ce matin, nous voilà marchant le long de la rivière
de Siem Reap, dans cette ville où nous nous débrouillons
maintenant sans soucis. Depuis quelques jours que nous sommes
là à circuler seuls, nous avons nos repères.
La jeune épicière (16 ans ?) près de la
guest house nous accueille avec force sourires et "bye
bye" quand nous lui achetons de l'eau et des fruits. Nous
avons un plan de la ville et nous évoluons à pied
un peu partout. Nous utilisons un tuk-tuk pour sortir de la
ville. Nous mangeons midi et soir au "World Loundge"
où la table est bonne. Dans la cour de la guest house,
résident toutes les tantes de Mr Samso et leurs locataires.
On est en famille ! Nous savons depuis ce matin que la facture
sera à notre charge, 48 euros pour quatre nuits, le montant
est une bonne surprise.
Bref, seuls, sans guide ni voiture, ce n'est pas un problème.
Reste à trouver des balades dans les environs, pour passer
au mieux ces journées. Une fillette passe, poussant une
voiturette à bras, chargée de coquillages. On
en voit partout. Ce n'est pas le moins du monde appétissant.
D'ailleurs, depuis la visite à la fabrique du poisson
fermenté, je n'ai aucune envie de manger des produits
de la mer. Il y a pourtant une grande quantité de plats
à base de poisson dans les restaurants, mais j'ai encore
l'odeur et la vue de cette bouillie puante en mémoire.
Même au vieux marché, nous évitons les allées
de poisson.
Scène de corruption sous nos yeux :
Trois policiers arrêtent "non stop" motos et
voitures...Sous quel prétexte, on ne sait pas ! Quelques
minutes plus tard, les interpellés glissent quelques
billets au policier qui les met dans sa poche sans autre formalité
et ils peuvent repartir.
A midi, nous prenons chacun un plat différent, poulet
aux champignons avec une sauce au bleu et poulet aux fruits
locaux. Ainsi, nous pouvons goûter le plat de l'autre,
et comme tout est bon, ce soir, nous inverserons. D'autres fois
aussi, nous avons pris chacun un plat différent, et nous
avons partagé les deux, pour essayer le maximum de choses.
La cuisine, qui au début, nous semblait bizarre, se révèle
excellente maintenant qu'on a franchi le cap de la méfiance.
Quand nous quittons le restaurant, le serveur nous dit "A
ce soir ?" Nous sommes connus ici, maintenant. Nous négocions
un tuk-tuk pour aller à Kampong Phluk et retour, j'obtiens
le voyage pour 5 dollars au lieu des 12 annoncés. Incroyable
! Tout se discute ici (sauf la chambre et les restaurants).
Je n'aime pas ces négociations, mais il le faut car les
prix sont doublés, voire triplés, pour les étrangers.
Alors, je marchande et je m'arrête quand j'estime que
c'est le prix juste. Je pense que lorsqu'ils acceptent très
vite, on pourrait encore baisser, mais je me dis aussi que leur
pouvoir d'achat n'est pas le nôtre. Et puis, on n'est
pas à quelques dollars près, autant en faire profiter
les locaux, plutôt que les chaînes hôtelières
et offices de visites guidées. Cependant, si NOUS culpabilisons
à faire trop baisser les prix, eux n'hésitent
pas une seconde à tirer le maximum des touristes. C'est
de bonne guerre !
On est bien dans ce tuk-tuk, avec l'air frais qui nous fouette,
et au milieu des vélos, motos, avec lesquels nous roulons
parfois de front. Nous roulons sur la nationale 6, bientôt
nous bifurquons vers le lac Tonle Sap. Nous sommes maintenant
dans le Cambodge profond, plus encore qu'hier, où il
y a peu de touristes et où l'essence est vendue en bouteilles
d'un litre. La route devient chemin de terre rouge et longe
un ruisseau saumâtre. Nous sommes secoués et ballottés
à cause de nids de poule... non d'éléphants
!
Nous quittons le tuk-tuk et partons à pied dans la campagne
le long du ruisseau, où naviguent barques et bateaux
à moteur. Sur ce chemin fréquenté par les
seuls autochtones (les rares touristes faisant la route en bateau),
nous longeons les bicoques en feuilles de palmes.
Scènes de vie étonnantes ! Des
femmes coupent et cuisent sur un feu dans l'herbe, les petits
poissons tout juste pêchés et qui sautent hors
du panier dans la terre. Elles nous proposent de les goûter,
crus puis cuits. "Non merci bien, nous on ne mange pas
de poisson", manière de refuser sans les vexer.
Les hommes arrivent alors et s'en régalent. Ils sont
tous assis au bord de la rivière, dans la terre du chemin.
A notre retour, ils sont encore là, tout le monde nous
salue et nous fait du bras. Dans le ruisseau, les enfants pêchent
à l'épervier, immergés dans l'eau sale.
Les gamins qu'on photographie rient beaucoup en voyant leur
frimousse sur le numérique.
Scènes de vie aussi, sur les barques où les hommes
mangent assis sur le fond plat ! Motos et vaches se côtoient
sur le chemin, les bateaux à moteur donnent de grands
coups d'accélérateur pour se dégager de
la vase du ruisseau qui n'a plus beaucoup d'eau. Ici ou là,
une femme épouille ses enfants, celle-là cherche
les poux d'une autre femme, juste au-dessus du plat de gâteaux
en vente sur le plancher de la cabane. Une moto passe, chargée
d'un couple et de deux enfants... Normal ! mais cette fois,
la maman allaite son bébé, tandis que la moto
saute dans les trous et sur les bosses du chemin, et l'équipage
tient le coup.
Scènes de vie... le riz sèche, les femmes tirent
l'eau à la pompe, lavent le linge dans de grandes bassines
posées dans la poussière, des fillettes hachent
le poisson à la serpette, des enfants nus jouent sur
la route, des cochons dorment au milieu des poules maigres,
un vendeur de glaçons passe de cabane en cabane avec
sa charrette, une femme balaye le sol avec un fagot de branches
De retour à "Old Market", nous descendons du
tuk-tuk, achetons des gaufres (déjà goûtées
l'autre jour, on y revient !) et rentrons lire sur notre balcon.
Il est 17 heures, nous sommes partis depuis ce matin à
10 heures. Une bonne journée au plus près du peuple
cambodgien...
Dans la soirée, nous faisons une nouvelle fois, le trajet
à pied jusqu'à notre restaurant dans "Old
Market", quinze à vingt minutes de marche. Ni trop
chaud, ni frais, l'air nous enveloppe dans sa douceur nocturne.
On est bien, assis dans les grands fauteuils de paille, dressés
sur le trottoir, à attendre d'être servis, tandis
qu'un orchestre de rue, joue comme chaque soir des ritournelles
cambodgiennes. Ce sont des victimes de mine qui gagnent ainsi
leur vie. Cette fois, c'est vraiment la dernière soirée,
mais il y a cinq jours, je le croyais déjà !
lundi
31
Commençons la matinée par un moment de lecture
sur le balcon à la température idéale.
Profitons-en, car en Normandie, qu'est-ce qu'on va avoir froid
après ces seize jours d'évasion ! Et puis une
dernière balade dans le marché, quelques photos
encore des étals de poisson, de viande, l'achat d'un
autre livre sur les Khmers rouges, et le déjeuner au
World Loundge, où en attendant que nous soyons servis,
j'écris ces quelques lignes.
Le circuit initial de notre voyage, très intéressant
au niveau de la découverte culturelle du pays, sites
et monuments, ne laissait pas une grande place à la nature,
c'est pourquoi nous y avions ajouté une croisière
de trois jours sur le Mékong et le Tonle Sap, croisière
qui quelques jours avant le départ a été
annulée (le bateau n'étant pas fini de construire)
et remplacée par une journée de navigation sur
la rivière Sangker. D'autre part, nous aurions voulu
accorder plus de temps à la découverte du peuple
cambodgien.
Notre premier guide nous avait tout de même
permis de nous arrêter un peu partout et de photographier
la vie locale jusqu'à Battambang. Le second guide nous
a fait découvrir tous les temples d'Angkor, mais peu
de choses de la population. Après que notre retour ait
été différé de cinq jours, nous
sommes allés, à pied ou en tuk-tuk, à la
découverte du Cambodge non touristique, et ce sont d'autres
images que nous avons récoltées, celles que nous
aimons, la vie d'une population loin des zones hôtelières.
Ce peuple ne mendie pas, ne demande pas d'argent pour être
photographié, sourit et salue les étrangers venus
leur rendre visite. Les enfants agitent le bras et crient "Hello".
Les victimes de mines vendent des livres ou jouent de la musique,
quelques uns tendent la main... très peu ! Nous nous
sommes promenés sans crainte dans des zones sauvages,
seuls au milieu de villageois vivant dans le plus grand dénuement,
subsistant de la vente de quelques ananas et de leur pêche.
Dans cette espèce de "bout du monde" entre
rivière et campagne, entre animaux et hommes, enjambant
des ruisseaux, nous sommes allés au bout du possible...
arrêtés par une rivière plus large. Et nous
n'avons ressenti aucune hostilité, aucune agressivité,
nous avons juste fait attention que les enfants, couverts de
poux, ne se collent pas trop à nous. Bien belles images
capturées dans ce supplément de temps ! Après
le déjeuner, nous avons marché le long de la rivière
de Siem Reap, bordée de végétation exotique,
bananiers se mirant dans l'eau jaune, palmiers, bambous, saisissant
ici ou là, quelques images échappées des
maisons sur pilotis qui bordent la rive.
Près de la pagode, c'est l'école, des dizaines
de petits enfants, sont assis devant des tables en bois foncé,
dans trois classes bourdonnantes. Une femme lave ses casseroles
à la pompe, sur le trottoir, une fillette fait les comptes
de l'épicerie près de sa mère sans doute
illettrée, un bébé dort par terre dans
la maison vide de mobilier, des enfants courent vers nous et
nous remercient, mains jointes, de les avoir filmés,
une enfant lave de la vaisselle dans l'eau polluée et
opaque de la rivière.
Après un substantiel goûter de gaufres, qui devrait
nous permettre d'attendre le prochain repas (dans l'avion),
nous rentrons à l'hôtel, préparer nos affaires
et passer les dernières heures sur le balcon avec nos
bouquins. Au passage, j'ai dit au revoir à notre petite
épicière, et en échange des quelques riels
qui me restent, elle m'a donné une bouteille d'eau. "C'est
plus cher, mais cadeau pour vous ! " a-t-elle dit.
Pour notre départ, tout le monde est dans la cour. La
jeune réceptionniste m'appelle et me montre le ciel :
deux étoiles et dessous un quartier de lune couché
sur le dos, comme nous n'en avons jamais vu. "Look at the
moon, it smiles at you " (regardez la lune, elle vous sourit)
me dit-elle.
C'est Mr Samso qui nous conduit à l'aéroport,
nous parcourons la nationale 6 et ses 140 hôtels illuminés
de décorations pour Noël, c'est beau. Il nous quitte
à l'aéroport, nous redisant encore le plaisir
qu'il a eu à nous recevoir et nous demandant de lui envoyer
un mail à notre arrivée. Notre vol est retardé,
nous ne décollerons qu'à 23 h 20 au lieu de 22
h 30.
Nous voilà enfin dans l'avion, il doit y avoir tout au
plus sept ou huit Européens dans cet appareil reliant
le Cambodge à la Corée, on se sent vraiment au
bout du monde. La carte s'affiche... 3400 km vers le nord-est,
tout au long de la côte chinoise. Nous survolons Taïwan,
impressionnant de lumières !
Seoul : l'aéroport est immense, pour aller d'un terminal
à l'autre, métro, ascenseur et tapis roulants
s'enchaînent, mais nous ne savons pas vraiment où
nous adresser pour avoir nos cartes d'embarquement. Il est vrai
qu'il est 6 heures du matin, il n'y a personne dans les bureaux
pour nous renseigner.
D'autres français arrivent, ils sont
dans le même cas que nous. Enfin, je réussis à
trouver le renseignement en anglais et je le communique aux
autres. L'aéroport de Bangkok nous avait déjà
paru immense, mais celui-ci l'est à une autre échelle.
Nous avons quatre heures à passer là, et ensuite,
le vol vers Paris durera 12 h 30. Et je n'ai pas encore fermé
l'oeil de la nuit. Je profite de ce temps, pour dormir un peu
sur les banquettes, où on a la place de s'allonger.
Pour cette très longue étape, nous avons droit
à un boeing 777, repose-pieds, écrans tactiles
individuels, repose-tête orientable, musique, Beatles,
Floyd... C'est un vol Air France, repas sympas, apéritif,
Champagne...
mardi 1 decembre
Nous arrivons à Paris à 20 heures à nos
montres. En réalité, il est 14 heures ici. Cela
fait plus de 21 heures que nous sommes en route... Long !
Quelques prix pour info :
1 dollar ($)= 4000 riels
Un m² de terrain dans Phnom Penh : 3000 $
Une petite moto : 1200 à 1600 $
Un litre d'essence : 1 $
Une nuit à la guest house "Samso" à
Siem Reap : 12 $
Une carte postale dans les hôtels : 1 $
Un timbre pour carte postale (pour l'Europe) : 0,7 $
Un timbre pour enveloppe (pour l'Europe): 2,1 $
Le "pass" pour entrer sur tous les sites d'Angkor
:
1 jour : 20 $
3 jours : 40 $
7 jours : 60 $
Plat complet dans un restaurant local : 3 à 5 $
Canette de bière Angkor : 1 à 2 $
1 kg de boeuf : 5 $
1 kg de poulet : 4 $
1 kg de poisson : 3 $ |
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